Radio France Politique et le Téléphone sonne


Le téléphone sonne du 21 décembre 2011 :




Xavier Bertrand dans Radio France Politique le 11 décembre 2011

 

INTRODUCTION
Avant de présenter les deux émissions auxquelles nous allons nous intéresser, nous allons procéder à une présentation de la radio, France Inter, et du groupe auquel elle appartient.

Radio France est une société nationale de service public née en 1975. Elle se construit sur les vestiges de l'Office de Radiodiffusion Télévision Française (ORTF). Aujourd’hui il s’agit  du premier groupe radiophonique français avec plus de 13,3 millions d’auditeurs quotidiens.
Financé en majeure partie par l’État, le groupe Radio France est présidé depuis mai 2009 par Jean-Luc Hees. Sa nomination constitue la première application d’une loi prévoyant la désignation des présidents de l’audiovisuel public par le conseil des ministres. La candidature de Hees apparaît comme fortement influencée par Nicolas Sarkozy. Au sein de Radio France qui emploie environ 4 000 salariés, nous retrouvons sept stations nationales diffusées sur l'ensemble du territoire français : France culture, France info, France bleu, Fip, Le Mouv, France Musique et enfin France Inter.

France Inter est créée en 1963. C'est la seconde radio généraliste de France, derrière RTL, avec plus de 5,3 millions d'auditeurs par jour. Elle fut un temps nommée Paris Inter car diffusée uniquement sur la région parisienne. Inter, c'est également la radio phare du groupe Radio France, un « navire amiral ».  Elle traite tous les sujets de société à travers des débats d'idées, des émissions d’informations, de culture ou de divertissement.

Le slogan de France Inter ? « La différence, c’est l’impertinence ». Son directeur, Philippe Val, ancien chef de la publication chez Charlie Hebdo et proche de Jean-Luc Hees, est nommé en juin 2009. Il s’est depuis attaché à démentir les rumeurs d’évictions politiques après les départs de plusieurs journalistes comme les humoristes Didier Porte et Stéphane Guillon ou le chroniqueur Thomas Legrand.

Dans le cadre de notre analyse, nous allons nous intéresser plus particulièrement à deux émissions présentes dans la grille saisonnière des programmes de France Inter. Nous étudierons « Le téléphone sonne », lieu de débat diffusé du lundi au jeudi entre 19h20 et 20h. L'émission animée par Alain Bédouet pourrait prendre une place prépondérante sur les ondes au moment de la campagne présidentielle de 2012. Et «  Radio France Politique », un autre lieu de débat mais spécifiquement politique, diffusée tous les dimanches entre 18h10 et 19h sur plusieurs chaines du groupe dont France Inter.
PARTIE I- Présentation des émissions

A) Le téléphone sonne

  1. L’émission           
L'émission a été créée en 1978 par Gilbert Denoyan, journaliste politique décédé en 2000 et salué par François Hollande comme le « pionnier de l’interactivité à la radio ». Depuis 1984, Alain Bedouet en est aux commandes. « Le téléphone sonne » peut être exceptionnellement présenté par d'autres journalistes de la radio, à savoir Denis Astagneau, Jean-François Achili ou encore Pierre Weill. Pendant 40 minutes, plusieurs invités (au minimum trois) sont interrogés sur une question d’actualité et de société. Les domaines varient allant de la politique à l’économie en passant par la culture.

Au cours de l’émission, le présentateur recueille en direct des questions d’auditeurs par téléphone (ou courrier) adressées aux spécialistes. Cette pratique sert d’alibi pour lancer les principaux axes du débat d’autant qu’elle favorise l’interactivité. Elle apparaît, à l’époque du lancement du « téléphone sonne », comme particulièrement innovante sur les ondes.

Des stations plus populaires que France Inter utilisent aussi ce procédé devenu incontournable en laissant la parole à leurs auditeurs. L’émission choisie se démarque en créant une forme de dialogue en questions/réponses entre les intervenants et les invités. Il s’agit d’un modèle qui doit permettre d’éviter les banalités tout en gardant une certaine connivence avec le public.

Parmi les rendez-vous quotidiens historiques qu’affectionnent particulièrement les français, « Le téléphone sonne » joue de cette proximité avec le public en se délocalisant occasionnellement pour enregistrer l’émission en province.

À la manière d’un forum interactif, « Le téléphone sonne » favorise une sorte de dialogue entre ses auditeurs et les spécialistes invités. Les sujets abordés s’articulent autour de faits d’actualité et de société que les hommes politiques s’empresseront de commenter, transformant ce programme en une plateforme de débats non négligeable dans la course à l’Elysée.





  1. L’équipe

Au quotidien, l'équipe est composée d’Alain Bedouet qui est à la fois le producteur et l'animateur de l'émission. Journaliste français diplômé du Centre de Formation des Journalistes (CFJ), il rejoint France Inter en 1969 pour en devenir l'un des membres phares. Auparavant présentateur des journaux du matin, notamment entre 1975 et 1978, Alain Bedouet s’est forgé dans la station avant de prendre le relais de Denoyan.

Son style relève d’une forme de bonhomie alliée à une solide connaissance des thèmes abordés. Télérama le décrit comme « réputé pour aider les auditeurs à obtenir des réponses sans langue de bois de ses invités ». En revanche, les questions des auditeurs, triées par pertinence, ne sont jamais vraiment neutres. La manière d’orienter le débat et la place laissée aux intervenants laisse parfois penser que « le Téléphone sonne » n’est qu’une démocratie participative de façade.

Lauranne Thomas, à la réalisation et Michael Civit, attaché de production viennent compléter l’organigramme.
       
3. Le contrat de communication
                       
« Le téléphone sonne » est présenté par la radio comme un programme de société. Les thématiques ne sont pas vraiment limitées à un champ restreint. Tant que les sujets abordés tournent autour de questions de société, ils peuvent être pris en compte. L’émission peut donc aussi bien parler de politique, que de santé ou de loisirs à partir du moment où le sérieux est de mise.
Le contexte de l’émission, son créneau horaire, les sujets abordés et le statut de la radio qui la diffuse sont autant de facteurs qui font que le contrat de communication relève principalement du principe de sérieux et d’information. Les actes de communication sont donc largement conditionnés par les contraintes situationnelles.
Le principe de l’émission est simple. « Le téléphone sonne » dure 40 minutes et repose sur un sujet précis. Autour de ce thème interviennent des invités, en général des experts, ainsi que des auditeurs. Malgré le nom de l’émission, la personne à l’autre bout du fil n’est qu’un alibi. La « prise de parole » est très encadrée et elle n’intervient qu’à la demande d’Alain Bedouet.
Le rôle des auditeurs est par conséquent loin d’être central. Ils participent surtout à la légitimisation des sujets choisis et n’est qu’un prétexte pour amorcer le débat. De plus l’intervention de l’auditeur est conditionnée par le contrat communicationnel sous-jacent. Le type d’échange langagier entre l’auditeur en ligne et le présentateur Alain Bedouet – les auditeurs et les invités ne communiquent pas entre eux – est donc prédéterminé.

B) Radio France Politique
1. L'émission
L'émission s'inscrit directement comme futur lieu de débat politique au moment des élections présidentielles. C'est d'ailleurs en partie pour cela que nous avons l'avons choisie. Cette émission est particulière puisqu'elle s'inscrit sur la grille de programmes de plusieurs radios, toutes issues de Radio France. De plus, le programme est également disponible en images car Radio France Politique est enregistrée en vidéo.
L'émission est née à la rentrée 2011. Ici, il n’existe pas d'auditeurs qui interviennent au téléphone durant l'émission. Ils sont présents, mais par le truchement des réseaux sociaux, Twitter et Facebook. Ils peuvent ainsi intervenir et poser leurs questions par ce biais.
 Pendant 50 minutes, plusieurs journalistes provenant des différentes chaines du groupe « cuisinent » un Homme politique. On retrouve Jean-François Achilli de France Inter, comme présentateur principale, puis Marie-Eve Malouines de France Info, Hubert Huertas de France Culture et, enfin Benoît Bouscarel du Mouv’.

  1. L'équipe
Jean-François Achilli, né en 1962, est un journaliste français diplômé de l'École Supérieur de Journalisme de Paris. Il est spécialiste politique. Chef de service politique de France Inter, il  présente également, sur i>télé, une émission politique hebdomadaire appelée «  Dimanche Soir Politique ». Il est aussi l’auteur de deux ouvrages ; un sur la campagne de Nicolas Sarkozy qu'il a suivi, un second intitulé « Jusqu'ici tout va bien, chronique d'une partie de campagne ».
Marie-Eve Malouines est également une journaliste politique spécialiste de Ségolène Royale. Chef de service politique de France Info, elle a publié plusieurs ouvrages consacrés à S. Royale, « la Madone ». Elle a rejoint la radio en 2004 et co-anime aussi une émission sur la chaine parlementaire, « Question d'info ».
Benoit Bouscarel a d'abord été journaliste pour France Info puis est passé au Mouv'. Dans l'émission « Radio France Politique », il présente une séquence appelée « question de génération ».
Noé Da Silva est un journaliste issu de France Bleu. Il intervient dans un cadre précis pour une interview « vu d’ici ».
Hubert Huertas s'occupe lui de la partie politique de France Culture via son émission «  Le billet politique ». Il a intégré la radio au début des années 80. Il est également écrivain.
Au final, l'émission rassemble les spécialistes politiques des grandes chaînes de Radio France pour nous offrir une émission politique de grande envergure et de qualité.

  1. Le contrat communicationnel
L’émission est diffusée le dimanche soir. Il s’agit d’un grand rendez vous traditionnel politique qui récapitule en général l’actualité de la semaine sur plusieurs chaînes du groupe Radio France (France Inter, France Bleu, France Culture, France Info et le Mouv'). Le fait d’être diffusée sur autant de radios importantes participe à la dimension sérieuse et conséquente de l’émission. Ce premier élément intervient déjà dans le cadre contractuel puisque le comportement des invités s’en trouve affecté. Plus il y a d’auditeurs potentiels plus l’émission gagne en importance pour l’invité. Par ailleurs, les journalistes/animateurs sont tous des experts du milieu politique. Un autre élément qui contribue au cadre contractuel et au sérieux de l’émission est le discours des invités politiques puisqu’il va varier en fonction de l’interlocuteur. Les journalistes sont les intermédiaires pour poser des questions aux invités, parfois des questions « du public » ainsi que pour leur soutirer des informations « sans langue de bois ».
Décrypter l’actualité politique en général et celle de l’invité dans ce contexte entraînent des normes par rapport au discours des invités qui sont généralement présent pour faire leur promotion. Malgré leur présence face à d’interlocuteurs partageant plus ou moins les mêmes codes, ils sont sur un plateau et sont diffusés sur différentes radios. Le fait d’être à la fois diffusés sur France Inter et le Mouv’ permet aux invités de toucher un public plus large. En revanche, cela peut aussi les contraindre à adopter un langage clair pour tous les types d’auditeurs possibles. Les émissions sont également enregistrées sous format vidéo ajoutant une contrainte par rapport au cadre et à la situation communicationnelle. Savoir qu’il est possible d’être vu peut exercer une certaine retenue par rapport aux discours et à la gestuelle.

Enfin, une heure de grande écoute, une émission diffusée sur plusieurs radios françaises importantes et encadrée par des journaliste spécialisés sont autant d’éléments participant à la mise en situation des invités. La façon de s’exprimer, aussi bien celle des invités que celle des journalistes, est normée par un contexte, par un contrat communicationnel qui impose aux deux camps de tenir leurs promesses respectives. L’une étant de décrypter l’actualité en poussant les invités dans leur retranchement et l’autre de faire valoir un statut. L’émission est sérieuse et impose en conséquence une forme de discours. Chacun connaît sa place et la raison de sa venue sur le plateau.


PARTIE II - Programmes et forme générale
A)    Le téléphone sonne

1.      Présentation du programme

Cette émission propose du lundi au jeudi de 19h20 à 20h un thème de l’actualité en direct.
Tous les auditeurs de France Inter peuvent interagir par téléphone sur le sujet avec des experts spécialement prévus afin de répondre aux diverses questions. Ils peuvent également soumettre leurs interrogations par courrier électronique.

L’animateur introduit l’émission en énonçant et expliquant la thématique du jour. Il présente les différents spécialistes, gère le débat et centralise toutes les interventions et interrogations sur la thématique. Il permet à chacun de prendre successivement la parole en leur attribuant ce privilège de manière calme et ordonnée. Durant l’émission, l’animateur filtre les questions des internautes afin de recueillir les plus pertinentes qu’il transmettra par la suite aux experts.

Les experts sont généralement présents de deux manières, soit dans le studio, soit au téléphone. L’animateur veille à s’entourer des personnes les plus compétentes pour répondre aux questions posées. Ils sont généralement au nombre de trois dans le studio. Au fil de nos différentes écoutes, nous avons constaté que les spécialistes sont peu variés dans leur fonction. Par exemple, la séquence sur « la rentrée politique » du 15 septembre 2011  regroupe trois journalistes.
L’animateur présente chacun des experts et les oriente un par un sur une problématique. Il est important de noter que les experts ne parlent qu’une fois lors d’une intervention. En revanche, la parole leur est attribuée à tour de rôle et plusieurs fois tout au long du débat.
Chaque participant possède un temps de parole limité et prescrit par l’animateur. En effet, celui-ci indique bien avant chaque intervention le nom de la personne qui devra répondre à la question. L’animateur doit gérer le temps et rappelle à l’ordre les intervenants quand ceux-ci le dépasse (« Pardonnez-moi j’interromps ») : il présente ses excuses pour préserver le bon climat de l’émission.
Le cadre du programme est formel et structuré. L’organisation est claire et ne prête à aucun débordement. Nous pouvons imaginer qu’une préparation a été effectuée en amont au niveau de tous les intervenants. En effet, dans toutes les émissions que nous avons pu écouter, il est très rare que les personnes prennent la parole sans y avoir été invitées auparavant. Si cela se présente, des formules de politesse s’en suivent.
Chacun des intervenants s’exprime dans un cadre précis et déterminé à l’avance. Ce dispositif dans lequel la parole est prise est important par rapport à celui qui parle. Il influence la parole des invités qui acceptent de s’exprimer dans ce cadre prédéfini.
Le programme explique de manière sérieuse et crédible un sujet d’intérêt public. Cela permet à la fois d’étayer les connaissances des auditeurs sur l’ensemble de la société ou de rendre compte d’un problème, et de confronter les opinions de plusieurs experts afin de traiter le sujet de manière exhaustive. La parole est ici conçue comme un vecteur d’authenticité. Les informations sont pertinentes et de qualité. En effet, on évince les questions qui ne sont pas claires.

2.      Cas particulier : « Alcoolisme et les maladies de l’alcool »

Animée le 21 décembre par Alain Bedouet, l’émission apporte des éléments permettant de répondre aux interrogations vis de l’alcool et des maladies. Une partie importante du programme est consacrée au médicament Baclofène prescrit contre la dépendance à cette drogue.
Elle met en avant des principes de sérieux et de vérité. En effet, le sujet est de santé public. Trois médecins, le Pr Michel Reynaud (chef de service d’addictologie de l’hôpital Paul Brousse de Villejuif), le Pr Philippe Jaury (médecin généraliste et addictologue) et au téléphone le Pr Emmanuelle Peyret (addictologue à l’hôpital Robert Debré) sont invités afin de débattre sur ce sujet. La journaliste médicale Danielle Messager fait également partie des invités. La vérité des propos est mise en avant par la citation de nombreuses études, de chiffres et de normes afin d’appuyer les arguments.

L’expression de chacun est claire et précise. Les intervenants parlent distinctement en respectant les pauses respiratoires. Ceci donne une impression de sérénité et de professionnalisme. Tout le monde s’écoute afin de mieux interagir et de coopérer dans l’échange. Nous constatons aussi que les propos des différents experts peuvent être repris au cours de l’échange (« comme le disait… »), signe d’une écoute absolue de la part de tous. Par ailleurs, aucune agressivité n’a été remarquée.

L’animateur, dans son rôle de distributeur de parole, prend soin de bien répondre à toutes les questions des auditeurs même si parfois ces derniers sont mis en attente quelques instants afin de discuter sur un sujet que l’animateur souhaiter vivement évoquer. Nous pouvons en dégager une stratégie de communication qui consiste à faire parler l’expert dans un premier temps puis à témoigner ensuite (« on ne vous oublie pas »). Le « on » montre que tout le monde est dans le débat. Le présentateur produit souvent des phatèmes (« oui », « mmm ») qui permettent de réguler le discours et d’acquiescer la parole du participant tout en le laissant réfléchir à la suite de son intervention.

L’émission est explicative. L’animateur veille à ce que son auditoire comprenne tout ce qui est relaté. Pour cela, il n’hésite pas à clarifier par exemple des abréviations. La logique ici repérée est une logique d’audience. Tout le monde doit pouvoir suivre le programme malgré la présence de personnalités scientifiques utilisant un jargon précis.

Par ailleurs, le programme paraît réellement préparé en amont. En effet, l’orientation des questions se fait souvent en fonction du statut de l’expert. Une illustration à ce propos est la question concernant les enfants et l’exposition à l’alcool au médecin travaillant à l’hôpital Robert Debré, hôpital accueillant essentiellement des enfants.

En conclusion, le conflit n’est pas présent dans ce programme. Chacun avance ses arguments afin de mettre en commun des éléments pour arriver à des informations claires et pertinentes. La représentation partagée de chacun s’agrandit du fait de l’apport des opinions individuelles.
Les tours de parole sont quasi identiques. Le débat est démocratique et ne présente pas de coupure sauf pour acquiescer et aller dans le sens de l’intervenant. Ce discours est une controverse, un échange autour des idées de chacun. En effet les experts énumèrent des chiffres, des faits et les argumentent.

B) Radio France politique

1.      Présentation du programme

Ce programme regroupe un animateur, une personnalité politique et des journalistes. Elle a lieu en direct chaque dimanche de 18h10 à 19h, diffusée simultanément sur France Inter, France Bleue, France Culture, France Info et Le Mouv’. L’émission propose à ses auditeurs un entretien avec une personnalité politique qui fait l’événement.
Nous avons choisi d’analyser ce programme car il est au cœur du débat présidentiel. Créé spécialement pour les élections de 2012, Radio France politique est le nouveau rendez-vous hebdomadaire. Il nous a donc paru intéressant d’analyser cette émission proprement politique afin de proposer un dispositif de communication aux politiciens lors des élections présidentielles.
L’animateur introduit l’émission en présentant l’invité du jour ainsi que les différents journalistes. Il explique brièvement le contenu du programme.
Contrairement au « Téléphone sonne », celui-ci présente des difficultés pour gérer le débat et ne centralise pas toutes les questions des journalistes. La distribution des tours de parole est complexe et le journaliste n’est quasiment jamais présenté. Ainsi, une sensation de cacophonie est perçue par l’auditeur qui a du mal à suivre le débat. Par exemple, dans l’émission du 27 novembre 2011 présentée par Jean-François Achilli, avec Marine Le Pen, nous pouvons clairement affirmer que celle-ci est seulement présente pour défendre ses idées sans forcément écouter n’y répondre aux questions des journalistes. Ces derniers paraissent désabusés par son attitude autoritaire et sarcastique (« je crois que vous vous trompez, je n’ai pas dit ça monsieur, vous êtes entrain de me dire ce que je n’ai pas dit et cela s’appelle des non-dits! ».


<img alt="&lt;h2&gt;Radio France Politique Marine Le Pen&lt;/h2&gt;" src="http://playertv-radiofrance.pad-playertv.brainsonic.com/uploads/74//20111124-205526/thumbs_11.11.27-20.11.06_1.png" /><h2> Radio France Politique Marine Le Pen</h2>


Les questions sont donc directement adressées à l’invité. Chaque journaliste souhaite obtenir les réponses attendues alors que l’invité a pour but premier d’exposer ses objectifs politiques.
Au milieu de la séquence, l’animateur présente l’opinion d’un autre politicien sur une  question similaire. L’invité du jour doit commenter cette intervention.
A la fin de l’émission, l’animateur se connecte en direct sur une autre des radios sur laquelle le programme est diffusé. Il donne la parole au présentateur qui posera alors une question à l’invité.

Nous pouvons noter que l’invité a majoritairement la parole. Il prend ce droit sans autorisation explicite. Les journalistes souhaitent obtenir leur réponse rapidement, quitte à couper la parole de la personnalité. Le débat n’a pas réellement lieu. Par exemple, dans l’émission du 11 décembre 2011 avec Xavier Bertrand, dés le début, nous pouvons souligner qu’il existe un chassé croisé entre le journaliste et l’invité. Le journaliste interrompt, le ministre continue à parler sur la voix du journaliste qui finalement s’arrête. Nous pouvons assister à une sorte de bataille où chacun essaie de placer ses propose et d’obtenir gain de cause.
En revanche, lorsque deux journalistes se coupent la parole par accident, il s’en suit immédiatement une formule de politesse « pardonnez-moi » afin de préserver leur face mutuelle. Nous remarquons également un désaccord entre le journaliste et Xavier Bertrand : « vous êtes optimistes mais nous sommes en crise quand même ».


Le cadre du programme est formel. Le vouvoiement est toujours respecté bien qu’une sensation d’agressivité soit souvent détectée. Malgré le sérieux des sujets traités, la structure paraît quelque peu désordonnée. Les politiciens n’hésitent pas à hausser le ton pour imposer leurs idées et à faire part de leur désaccord.
Ces programmes traitent de l’actualité politique et sont rattachés à une identité journalistique.

2.      Cas particulier : « Xavier Bertrand »

Il s’agit de l’émission du 11 décembre 2011 animée par Jean-François Achilli. L’invité est Xavier Bertrand, Ministre du travail, de l’emploi et de la santé. L’émission porte sur l’actualité politique du ministre ainsi que sur ses futurs projets. Nous pouvons décomposer l’émission en trois parties. La première concerne le nouveau traité européen, la crise et la campagne présidentielle à venir. La seconde traite entre autres de l’augmentation du numérus closus des étudiants en médecine ainsi que du cas des prothèses mammaires défectueuses. Le dernier temps de l’échange est consacré à l’intervention de France Bleu Picardie et de divers syndicats picards. La venue du ministre instaure un cadre formel et sérieux à l’émission. En plus de l’animateur, Xavier Bertrand est également interrogé par Marie-Eve Malouines de France Info, ainsi que Hubert Huertas de France culture et Benoît Bouscarel du Mouv’.
Le début du programme met en avant Jean-François Achilli qui présente l’invité du jour ainsi qu’une des journalistes qui va détailler son portrait. Elle se permet déjà de penser à la place du ministre par l’expression suivante « je parie que vous allez nous dire… ».
A la fin de l’émission, des questions provenant des réseaux sociaux (Facebook, Twitter) sont diffusées.

L’objectif principal du ministre est de convaincre le présentateur, les journalistes et les auditeurs. Ceci peut être révélé par l’emploi de l’impératif à plusieurs reprises («  ne faisons pas ça !). En effet, Xavier Bertrand donne explicitement des ordres «  il ne faut pas » ou encore «  il faut que »… Il se cite même en exemple pour donner bonne foie à ses propos «  nous, gouvernement nous le faisons ». Il cherche à étayer son discours par des exemples («  comme le fait untel »). Par ailleurs, il discrédite le camp adverse en évoquant les socialistes : « il fait le  contraire.. ». Aussi, il met tout le monde à témoin par des expressions du type « vous savez que… ». Les tournures de phrases sont soutenues « je ne crois pas vous avoir donné le sentiment que je suis… ».  Il parle très souvent à la première personne ce qui montre sa volonté de persuasion.
Certains journalistes s’adressent au ministre à la troisième personne ce qui donne un sentiment d’impersonnalité pour renforcer l’effort d’objectivité («  Que dit le ministre ? »).
L’échange n’est ni posé ni structuré. Les intervenants n’hésitent pas à se couper la parole. Chacun des participants campent sur ses positions. Par exemple, une des journalistes pose une question et reste sur son idée « il y a une baisse de revenus ? » Xavier Bertrand ne répond pas, la journaliste s’affirme en répétant sa phrase avec une intonation différente. Ce n’est donc plus une question mais une affirmation. La plupart du temps le ministre ne se laisse pas interrompre mais parfois son ton est condescendant.
L’observation générale qui se dégage de ce programme réside en des temps de parole longs pour le ministre et courts pour les journalistes. L’animateur parle peu et ses temps sont courts.

A la différence de l’émission « Le téléphone sonne », les participants sont dans une autre logique plus personnelle et ne cherche pas à harmoniser l’échange. Ils veulent obtenir des informations ou transmettre leurs idées. Ainsi, l’animateur est relativement effacé : les journalistes et le ministre s’accaparent l’émission. Le présentateur tente de préserver la face de l’émission avec plus ou moins de difficultés. Au milieu du programme, nous pouvons remarquer qu’un des journalistes demande l’autorisation à l’animateur afin de pouvoir poser une dernière question.

Par ailleurs, les journalistes reprennent la quasi totalité des propos du ministre afin de le piéger, « vous dites qu’il n’est pas crédible en un mot », « que Monsieur Hollande n’est pas à la hauteur, avec une intonation vive et sèche. Xavier Bertrand doit se justifier en permanence, un seul mot de travers n’est pas permis. De plus, il dénonce à plusieurs reprises le négativisme des journalistes «  vous ne parlez pas des cas qui se règlent non plus », ces derniers ne renchérissent pas.
Le ministre insiste souvent afin d’imprégner certains termes (et idées) dans l’esprit des auditeurs.

Nous pouvons remarquer en fonction des protagonistes, des logiques diverses : d’une part les journalistes qui attendent des réponses immédiates, des arguments afin d’affaiblir la personnalité politique et d’autre part, un invité qui est présent pour persuader son auditoire.
A la différence d’une émission comme « Le téléphone sonne », même si elle est aussi préparée en amont, il est difficile de prévoir son orientation et son déroulement.
Par ailleurs, lors de l’intervention du syndicat picard via la radio France Bleu, ce dernier débute directement le discours sans même saluer le ministre. C’est lui même qui intervient dans le propos avec un insistant et audible « bonjour ». Ceci accentue le fait que ces syndicats sont virulents et souhaitent des informations immédiates.
A la fin de l’émission, nous pouvons entrevoir une certaine lassitude de Xavier Bertrand à sa respiration (« ffffff…vous voulez que je vous dise une chose… »). Il n’a pas assez de temps pour exprimer tout ce qu’il aimerait puisque le présentateur contrôle à ce moment précis le temps (« il vous reste… »).

En conclusion, l’opposition est à l’ordre du jour dans ce programme. Les arguments ne sont pas unifiés, soulignant un désaccord entre les parties. Nous sommes donc dans une émission politique où tout le monde essaie de parler sans attendre que la parole soit donnée. En revanche, les experts s’écoutent. L’animateur se fait quelque peu oublier bien qu’il tente de reprendre sa place par certaines interventions (présentation d’un journaliste, gestion du temps). Il s’agit d’un échange empreint de polémique où la contradiction entre les différents intervenants règne.
 

PARTIE III : Analyse détaillée des programmes

A) Le téléphone sonne

Nous avons choisi d’analyser plus spécifiquement un passage de l’émission du 21 décembre 2011 intitulée « alcoolisme et maladies de l’alcool » et présentée par Alain Bedouet. Le passage se situe entre 11,20 min et 14,04 min.

1.      Situation
a.      Le domaine de la pratique sociale 
Il s’agit typiquement une émission qui relève du domaine de l’actualité, un programme d’informations, probablement destiné à des personnes seules dans leur véhicule. Rituel d’écoute de la radio après le travail, c’est un moment reconnu et partagé comme tel pour le public français.

b.      Les principes 
Les principes présents dans cette émission correspondent à la forme du programme, nous avons donc des principes de réalité, de vérité et de sérieux. Les comportements langagiers en témoignent ainsi que la présence des médecins.

c.       Les finalités
Il s’agit de proposer aux auditeurs des axes de réflexion et un certain savoir sur une thématique centrale de notre société.
Concernant l’animateur, son objectif est de faire de l’audience et de séduire le public. C’est donc une finalité marchande.
La finalité in praesentia des experts est de procurer un véritable savoir scientifique sur le sujet. Celle in absentia est de permettre aux experts une exposition médiatique dans le but d’une reconnaissance de leurs travaux de recherches.
La finalité de l’auditrice est de témoigner  sur son vécu personnel et d’obtenir des réponses à ses questions. Elle interroge en essayant d’apporter des solutions au problème (« pourquoi n’encourage-t-on pas la prévention ? »).


d.      Les visées discursives
Les experts souhaitent convaincre le public en exposant des faits ainsi que des savoirs.
L’auditrice tente de faire réagir sur les dangers et risques de l’alcool.
L’animateur endosse le rôle de coordonateur du débat, en donnant la parole et en organisant le l’échange de manière structurée et conviviale.  Son but est d’essayer de faire intervenir tous les participants de manière égalitaire afin d’harmoniser l’émission.
 
2.      Niveau discursif 
a.   Les orientations discursives 
Le discours est orienté vers la réflexion et la connaissance du monde. Il est hétérocentré et explicatif pour chacun des participants.

b.   Les rôles attendus
Alain Bedouet est l’animateur de l’émission.
Les experts sont le professeur Michel Reynaud (chef du service d’addictologie de l’hôpital Paul Brousse de Villejuif), le professeur Philippe Jaury (médecin généraliste et addictologue, professeur à l’université Paris Descartes), ainsi que le docteur Emmanuel Peyret, addictologue à l’hôpital Robert Debré à Paris) présente au téléphone. Danielle Messager, journaliste médicale est également présente.
Enfin, l’auditrice témoigne et pose les questions aux experts.

c.    Le capital verbal

Tours de parole
L’animateur débute par une présentation de l’auditrice (5s). Puis celle-ci intervient (30s). L’animateur fait référence aux questions des internautes qui rejoignent l’intervention de l’auditrice (15s). Puis, Alain Bedouet introduit le professeur Michel Reynaud qui parle pendant 20s. Danielle Messager est ensuite présentée par l’animateur et débat pendant plus d’une minute. Un autre expert prend la parole sans être introduit (10s) suivit de Philippe Jaury qui lui intervient sous l’introduction de l’animateur. Enfin, un autre expert termine la séquence.

Nous remarquons donc que ce sont les experts ainsi que l’auditrice qui parlent davantage. Dans cet extrait, nous avons une diversité des intervenants avec l’animateur, plusieurs experts et une auditrice qui interagissent ensemble.

Temps de parole 
Les temps de parole les plus longs sont donc attribués à l’auditrice (30s) et aux experts qui tous réunis totalisent un temps de parole d’environ 1,45 min jusqu’à la fin de l’extrait. En revanche, Alain Bedouet comptabilise le temps de parole le plus court avec 25 secondes environ. En effet, il est un véritable distributeur de parole qui met en scène le débat et le contrôle. Son but est de réaliser des petites interventions ponctuelles pour relancer le débat et distribuer les tours de parole de manière équilibrée. Il doit veiller à gérer le temps de l’émission et évoquer toutes les thématiques prévues.

Types de prise de parole 
L’auditrice est sollicitée, elle doit attendre que l’animateur l’autorise à intervenir.
Les experts sont à la fois prenants et sollicités. En effet la plupart du temps, ils attentent qu’Alain Bedouet les invite à prendre la parole mais à la fin de l’extrait ils sont parfois prenants et interviennent dans le débat sans y être invités.
L’animateur est prenant.

d.        Types d’interventions 
L’animateur distribue la parole en disant le nom et prénom de l’expert par exemple « Philippe Jaury » l’invitant à répondre à la question.
La plupart des interventions sont réactives. Les participants réagissent à la thématique, aux propos, et rebondissent sans changer de sujet.
Une des spécialistes effectue une intervention non problématisée : elle commence par répondre à la question et débouche sur un autre problème qu’elle développe ensuite. Elle relance donc le débat sur un autre sujet où tous les autres experts vont interagir.
L’animateur propose des interventions directrices en ouvrant des thématiques d’échange.

e.         Actes interlocutifs  
L’animateur débat dans le sens de l’auditrice « vous avez raison ». Chaque expert souhaite apporter ses arguments mais ils demeurent tous dans la même logique en étant relativement d’accord les uns avec les autres (en arrière plan «  oui » «  mais bien sûr  », « mais oui « ).
Il existe un respect mutuel des experts. Nous sentons qu’ils ont tous envie de communiquer mais ils laissent la journaliste « Danielle Messager » finir de parler. A un moment, les voix se superposent mais c’est seulement dans un souci de précision, de complément d’informations et pour aider l’auditeur à comprendre. Nous voyons ici qu’aucune agressivité n’est présente mais c’est davantage l’entraide et la coopération qui priment. Lorsque les experts prennent la parole sans avoir eu l’autorisation de l’animateur, ce dernier recadre le débat en redonnant le nom d’un expert afin que lui seul ne s’exprime pour répondre à la question. L’animateur ainsi que l’auditrice interrogent et les experts répondent.

f.      Types de relations 

Relation Horizontale
L’animateur est familier avec l’auditrice « Je fais un petit coucou... Bonsoir Sylviane ». De même, nous notons également une familiarité entre les experts à la fin de l’extrait avec l’emploi du tutoiement : « Michel, je suis d’accord », « tu dis apprendre à gérer… ». L’auditrice respecte les codes langagiers et le sérieux de l’émission avec le vouvoiement et une certaine politesse (salutation des invités).
L’animateur est raisonnablement familier avec l’auditrice mais ne l’est pas avec les experts. Il garde une certaine distance et un respect avec le vouvoiement.
Les experts entre eux sont assez familiers et paraissent se connaître de par leur profession.

Relation verticale
Alain Bedouet est en position haute par rapport aux experts et à l’auditrice car c’est avant tout son émission. Mais cela dépend de notre angle d’analyse : certains sont des experts du sujet et lui est maitre de sa propre émission.
Par ailleurs, l’auditrice est en position basse par rapport à l’animateur ainsi qu’aux experts.


Pour conclure, nous pouvons souligner que cet extrait est intéressant grâce à la pluralité des interventions. Différents représentants sont mis en évidence avec la posture de l’animateur, des experts, de la journaliste et de l’auditrice. Les questions des internautes sont même évoquées. Néanmoins, il est important de remarquer que la fin de l’extrait n’illustre pas parfaitement ce que nous avons pu dire précédemment. En effet, les experts souhaitent intervenir sur le sujet et prennent la parole sans forcément y être invités. Nous remarquons donc des voix qui se superposent et des acquiescements successifs («  oui », « voilà », « bien sur »…). En outre, il ne s’agit ni d’une logique de contradiction ni d’opposition mais seulement de prise à partie de la discussion. Tous les experts sont dans la même logique de pensée et coopèrent pour trouver des solutions.


B) Radio France Politique

Nous avons choisi de nous concentrer plus spécifiquement un passage de l’émission du 11 décembre 2011 présentée par Jean François Achilli avec pour invité Xavier Bertrand. Le passage analysé se situe entre 17’40 et 19’42.

1.      Situation

a.      Le domaine de la pratique sociale
Il s’agit d’une émission d’actualité politique produite spécialement pour recevoir des personnalités politiques. Elle s’adresse à un public du dimanche soir, curieux d’être informé des sujets brûlants du moment.

b.      Les principes
Les principes présents dans cette émission correspondent à la forme du programme. Nous discernons donc des principes de réalité, de vérité et de sérieux.

c.       Les finalités
Il s’agit de proposer aux auditeurs des axes de réflexion et un certain savoir sur une thématique centrale de notre société.
Comme dans la plupart des programmes, l’objectif principal de l’animateur est de faire un maximum d’audience. Son autre but est de veiller au bon déroulement de l’émission. Néanmoins, nous entendons ici qu’il présente parfois des difficultés à atteindre cette finalité.
L’aspiration du ministre est de soumettre son programme et de susciter l’adhésion des auditeurs à ses idées. Aussi, cela lui permet d’être sur la scène médiatique, la finalité est également liée à sa carrière.
Les journalistes sont présents pour animer le débat et tente de déstabiliser le ministre par des questions contradictoires. Ils n’hésitent pas à donner leurs avis : « Mr Bertrand je ne pense pas que… ».

d.      Les visées discursives
L’animateur laisse la parole aux invités et n’intervient que très ponctuellement. Nous pouvons imaginer que cette attitude adoptée par Jean-François Achilli témoigne d’une stratégie pour attiser le débat entre journalistes et invité. Le ton monte rapidement entre ces deux instances.
Le ministre est à la fois posé, claire et concis dans son expression mais également narquois, agressif et méprisant. En effet, il n’hésite pas à provoquer la journaliste : « ah bon, parce que vous, vous savez clairement quelle est la position de François Hollande ? ».
Les journalistes font aussi preuve d’un ton parfois agressif et souhaite piéger le ministre dès qu’ils en ont l’occasion. Journalistes et ministre n’hésitent pas à se couper la parole pour exposer leurs points de vue. Ceci marque avant tout une opposition dans le but de critiquer l’adversaire et  non pour arriver à un consensus.


2.      Niveau discursif 

a.      Les orientations discursives 
Le ministre produit un discours à la fois hétérocentré et égocentré puisqu’il souhaite se faire valoir dans l’échiquier politique.
Les discours respectifs de l’animateur et des journalistes sont hétérocentrés.

b.      Les rôles attendus
Jean François Achilli est l’animateur de l’émission. Il possède un rôle de distributeur de parole. En revanche, dans cette séquence, nous ne l’entendons introduire qu’une seule fois une journaliste et cela après qu’elle a pris la parole elle même.
Les journalistes posent des questions et sont en attente de réponses. Ils souhaitent entendre les arguments du ministre sur des sujets précis.
Xavier Bertrand est dans son rôle de ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Il tente de défendre ses différents principes et idées. Implicitement, il est présent pour s’exposer médiatiquement et convaincre l’auditoire.

c.         Le capital verbal

Tours de parole
Nombreux, ils peuvent se décomposer de la façon suivante :
-         intervention d’un journaliste au départ
-          reprise de la parole par le ministre (30s)
-         coupure par un journaliste (4s)
-         reprise de la parole par le ministre (18s)
-         coupure par une journaliste (Marie-Eve Malouines) qui affirme son désaccord (11s). L’animateur l’introduit après coup.
-         reprise de Xavier Bertrand (8s)
-         réintervention de la journaliste (4s)
-         Prise d’un ton vindicatif par le ministre (4s)
-         Coupure à nouveau par la journaliste
=> Nous notons ici un chassé croisé de questions réponses entre les deux parties. Chacun    essaie de prendre la parole sur l’autre. Enfin, la journaliste réussit à poser sa question pendant une dizaine de secondes, puis Xavier Bertrand termine la séquence sur 20 secondes.

De ce fait, nous remarquons que les tours de parole sont quasi identiques entre le ministre et les journalistes qui s’entrecroisent.

Temps de parole 
Le temps de parole le plus long revient donc à Xavier Bertrand (environ 1’20). Les journalistes ont un temps de parole moyen (environ 30 secondes) et celui de l’animateur est très court bien qu’il soit censé diriger et orienter l’émission.

Types de prise de parole 
Les intervenants sont peu sollicités et prennent la parole d’eux-mêmes sans qu’ils y soient invités. L’animateur est également prenant mais il se distingue peu du reste des journalistes.
 

d.        Types d’interventions 
Xavier Bertrand n’hésite pas à réaliser des interventions directrices à plusieurs reprises. Il effectue des ouvertures sur des nouvelles thématiques d’échange. Lorsqu’il souhaite contrer et rebondir sur les propos des journalistes, il est donc dans un processus d’interventions réactives.
Les journalistes produisent majoritairement des interventions réactives en lien avec les propos du ministre. Ils réagissent à la thématique exposée sans changer de sujet.

e.    Actes interlocutifs  
La séquence débute par une opposition d’un journaliste par rapport à ce qu’exprime le ministre : « ce n’est pas ce qu’il dit ». Puis le ministre, avec l’emploi de l’impératif (« attendez, allons jusqu’au bout des choses »), invite le journaliste à le laisser terminer son propos. Il questionne sur un ton affirmatif en donnant la réponse ensuite (« qui défend le mieux ?…n’est ce pas le Président de la République ?). Cette stratégie de questions réponses vise à donner une force persuasive à son discours.
Les journalistes se livrent à des actes interlocutifs contradictoires (« cela pourrait s’appliquer au parti socialiste », « je ne pense pas »). Ils ont souvent des discours inclusifs (« on n’est pas les porte paroles de François Hollande »).
Xavier Bertrand est méprisant dans son expression lorsqu’il est contesté dans ses propos.

f.   Type de relations 

Relation Horizontale
Les journalistes et Xavier Bertrand se respectent mutuellement malgré leurs désaccords politiques. Le vouvoiement est utilisé tout au long de la séquence. Nous pouvons souligner que les journalistes ont pour adversaire Xavier Bertrand et réciproquement. L’animateur a d’avantage un rôle d’intermédiaire malgré sa discrétion durant l’extrait. Aucun des participants n’adopte une posture ou un langage familier.


Relation verticale
Jean François Achilli est en position haute car le débat se déroule dans sa propre émission. Néanmoins, il n’intervient que très peu dans l’extrait.
Les journalistes et le ministre alternent successivement des positions hautes et basses durant l’échange. Lorsque les journalistes attaquent Xavier Bertrand, ils sont alors dans une position haute par rapport à lui et réciproquement.

Partie IV - La mise en forme générale sémio discursive de la parole politique


Dans cette quatrième partie, nous allons annoncer les stratégies sémio discursives qui sont mises en place par Xavier Bertrand afin de justifier et de légitimer son discours politique. Puis nous émettrons des hypothèses sur le comportement que doit avoir une personnalité politique invitée de « Radio France Politique » ou de l’émission « Le téléphone sonne ». Nous finirons par comparer les deux émissions.

A) Etude de cas : Xavier Bertrand dans Radio France Politique

Nous allons donc essentiellement nous intéresser à la dimension cognitive du contrat de communication (voir comment Xavier Bertrand pense et ce qu’il souhaite faire penser aux auditeurs).
Le programme met en avant les grands sujets d’actualités du moment. Nous allons donc mettre en lumière la manière dont Xavier Bertrand les traite et dont il va tenter de valoriser l’action gouvernementale. Tout au long de l’analyse, il est nécessaire de garder à l’esprit le rôle de Xavier Bertrand (ministre du travail mais aussi plus officieusement lieutenant du « sarkozysme ») et les visées discursives de celui-ci, cernées dans le chapitre précédent.

1.      L’acte de parole


Dans l’article « Pour une psycho-socio-pragmatique de l’agir communicationnel », Claude Chabrol énonce que « l’acte de parole serait un acte de communication mettant en relation un projet d’action communicationnelle et une énonciation langagière servant de support à un processus dirigé vers un but d’action ». Il ajoute que « pour l’énonciateur, il s’agit à partir d’une visée communicationnelle d’obtenir l’adhésion à un jugement factuel, une évaluation ou une incitation à l’action. »
Dans l’extrait étudié, Xavier Bertrand va montrer tout son art de l’acte de parole. Par  exemple, dans la première séquence de l’émission qui traite de l’Europe et plus précisément du sauvetage de l’Euro, le ministre déclare que l’Euro est sauvé grâce au travail du gouvernement. Le journaliste lui répond que « ça doit être le 21ème, voire 22ème sommet européen » et fait une brève énumération des différents sommets. Il semble sous-entendre que l’action gouvernementale ne fonctionne pas si bien car à chaque fois il faut recommencer.
La réponse du ministre fuse : « cela montre bien que les choses avancent. Je préfère un communiqué de victoire qu’un constat d’échec. Pas vous ? ».  Cette réponse est intéressante car même si le sujet est européen nous comprenons bien que le l’enjeu est national (les Présidentielles de 2012).
Le projet d’action communicationnelle est de montrer aux auditeurs et plus largement aux Français que le gouvernement n’est pas attentiste et qu’il met tout en œuvre pour « sauver le navire ». Il se montre volontariste. L’énonciation langagière est donc la réponse du ministre : « cela montre bien… pas vous ? ».  Le ministre, par sa question, est dans une stratégie d’expérimentation. La rhétorique va dans le sens de la victoire puisque rares sont ceux qui préfèrent la défaite. Il ponctue son argumentation afin d’obtenir l’adhésion du journaliste et par extension l’adhésion des auditeurs.

2.      L’action communicationnelle
Le ministre produit une action communicationnelle qui a pour fonction d’entraîner l’adhésion  chez le destinataire. Pour cela il utilise le type discursif énonciatif préférentiel, à savoir celui argumentatif. Il ne se contente pas d’évoquer des idées mais les développe, les explique. En bref, il exécute un effort de pédagogie.
Prenons l’exemple sur la séquence de la crise de 2008 (8ème minute environ). La journaliste lui fait remarquer que le changement de cap budgétaire de la France est récent alors que la crise date de 2008 et que la règle d’or n’a pas été appliquée en 2008. Xavier Bertrand renchérit : « qu’est ce qu’on a fait ? On a protégé les Français notamment les Français les plus modestes… Les efforts qui ont été faits ont augmenté les déficits c’est vrai mais il ne faut pas être prisonnier du dogme. … Il a fallu aller de l’avant pour aller chercher la croissance. C’est justement ce qui a été fait. L’Etat doit gérer son budget en faisant attention. La croissance diminue, les rentrées diminuent donc les sorties diminuent. Nous appliquons déjà ce principe ». Une fois de plus, il est fait référence à un gouvernement qui anticipe les événements à venir et qui ne reste pas inactif.
A la lumière des exemples précédemment cités, Xavier Bertrand semble bien avoir intégré le contrat de communication de l’émission (« schéma et norme langagière disponibles en mémoire à long terme, activables par association à une catégorisation événementielle et actionnelle dans une culture donnée »). Il s’agit d’un échange entre personnalités politiques et journalistes sur une tonalité calme et soutenue à propos des questions politiques d’actualité et dans la perspective des présidentielles.
Toutes ses réponses viennent confirmer et conforter l’action gouvernementale (10 min : « le parti socialiste doit sortir de cette position dogmatique à n’en plus finir »). A contrario, dès qu’il s’agit de l’opposition, nous avons à faire à des irresponsables. Nous comprenons alors que le Président de la République, Nicolas Sarkozy, est déjà en campagne au moins par le biais de ses ministres.

3.      La compétence communicative
En outre, nous voyons que les réponses apportées ne le sont pas toutes de la même manière. Dans le premier exemple, Xavier Bertrand se montre narquois. Par ce biais il associe sa position de ministre et son savoir par rapport aux journalistes. Par contre, dans le second exemple, il se montre plus patient, plus pédagogue et semble reconnaître une erreur (« les déficits ont été augmentés »). Il paraît exercer une « compétence communicative » car il associe à un type donné de situation, un genre de communication adapté au cours des échanges : des ajustements sont possibles et d’ailleurs nécessaires.

Étudions maintenant la séquence sur le chômage. Xavier Bertrand affirme « non, on ne peut pas rester sans rien faire ». Une fois de plus, il martèle le volontarisme du gouvernement (Platon soulignait que l’apprentissage était la répétition). Même si le taux de chômage augmente, il reste bien inférieur aux taux de chômage des autres pays européens. Il effectue ensuite une litote : « activité partielle » en lieu et place de chômage partiel. Nicolas Sarkozy ne doit pas apparaître à 4 mois de l’élection présidentielle comme le Président qui a vu le nombre de chômeurs augmenté d’un million durant son mandat.

Xavier Bertrand maîtrise si bien le contrat de communication qu’il semble avoir réponse à tout. Prenons l’exemple du passage où les journalistes lui font écouter une déclaration de François Bayrou (17ème minute) qui semble à priori fustiger, à mots couverts, le bilan de Nicolas Sarkozy. Il parvient à renverser ces propos et attribue leur finalité à François Hollande : « il (François Bayrou) se trompe d’adversaire comme cela a été le cas les fois précédentes. Il ne critique plus le Président. Les thèmes chers de l’électorat centriste sont de lutter contre la dette. Qui le fait le mieux ? Nicolas Sarkozy ou éventuellement le candidat socialiste ? Sur la question de l’Europe qui défend le mieux l’idée européenne aujourd’hui ? Est-ce que ce n’est pas le Président de la République ?...».

Nicolas Sarkozy est ainsi vu comme le « Capitaine Courage », celui qui ne dévie pas, celui qui assume son statut de protecteur de la France et des Français. Nous observons ici le principe d’influence (« toute action communicationnelle tend à satisfaire non seulement les enjeux particuliers mais aussi les buts partageables de celui qui l’accomplit en visant à provoquer une réponse qui soit de surcroit à son bénéfice ») que tente de mettre en œuvre Xavier Bertrand vis à vis des journalistes. L’un d’entre eux lui fera remarquer que « tout ça pouvait être appliqué au Parti Socialiste ».

Tout au long de l’émission, Xavier Bertrand a donc multiplié les questions à l’égard des journalistes, les piques à l’encontre du Parti Socialiste et plus particulièrement de François Hollande. Surtout, il a tenu à défendre le bilan de Nicolas Sarkozy.


B) Quelles postures pour l’émission Radio France Politique ?

Radio France Politique est une émission qui a spécialement été conçue en vue de l’élection présidentielle de 2012. Cela explique un grand nombre de comportements des journalistes de l’émission.
L’analyse auditive de l’émission nous a permis de remarquer que les journalistes sont attentifs et n’hésitent pas à contredire le ministre. Nous avons à faire à des journalistes aguerris qui sont informés de l’actualité politique et qui connaissent particulièrement le mode de fonctionnement de la vie politique. Cela est particulièrement probant lors de la séquence sur la dette. Les journalistes font remarquer à Xavier Bertrand que les déficits ont augmenté depuis l’arrivée du pouvoir et qu’il n’était pas forcément judicieux de proposer au même moment certaines niches fiscales.
Les journalistes n’hésitent pas à demander des précisions, à insister pour avoir une réponse. En conséquence, il est nécessaire de se montrer le plus clair et le moins ambigu possible. Les journalistes n’agissent pas en figurants et ont pour but de bousculer l’homme politique.

Le format de l’émission est assez long. Elle dure environ 45 min. L’homme politique est directement interpelé uniquement par des journalistes. Les questions de citoyens sont enregistrées). Cela permet, en règle générale, à l’invité politique d’avoir toute la latitude qu’il désire pour répondre aux questions des journalistes. Les journalistes coupent parfois la parole de l’invité.

Du fait de la liberté laissée par l’émission, l’homme politique ne doit pas hésiter à marteler son message, à le répéter. Il doit se montrer agressif (dans le bon sens du terme) et compétent. Il peut se permettre d’éviter de répondre à une question des journalistes. Il ne doit pas hésiter à ne pas se laisser couper la parole. Les dossiers doivent être bien connus et l’hésitation n’est pas permise car elle se paie directement : les journalistes sont expérimentés. L’invité doit donc mettre à profit son temps pour bien développer les thématiques qu’il défend et ainsi montrer la différence qui existe entre les différents adversaires.

Le nom de l’émission « Radio France Politique » marque le ton. Il s’agit d’une émission où le responsable politique peut exposer son projet, son programme sans trop souffrir de contradiction de la part d’un intervenant politique d’un autre bord que le sien.

L’adversaire politique n’étant pas présent pour se défendre instantanément, il ne faut pas hésiter à défendre ses intérêts. Des nombreux exemples sur les aspects néfastes qu’aurait ou qu’a la politique de l’adversaire, doivent être apportés. En effet, ces illustrations, si elles ne sont pas réfutées par les journalistes, vont avoir une très grande force d’impact. Les journalistes étant des spécialistes, le fait qu’ils approuvent l’exemple par le silence renforce la pertinence de celui-ci.

En outre, l’invité politique doit éviter au maximum de vouloir rallier les journalistes à sa cause en leur posant directement des questions. Les journalistes ne vont pas y répondre. Ils renchérissent par une autre question ou bien font remarquer, subtilement, la partialité du ministre.

Ainsi, il serait nécessaire que l’homme politique qui se rend à cette émission évite le plus possible de s’adresser de manière interrogative aux journalistes. Il faut se cantonner à argumenter et à exposer les faits.

C) Quelles postures pour « Le téléphone sonne » ?

« Le téléphone sonne » est une émission dont la durée varie d’une demi-heure à 40 minutes environ. Le plateau qui la compose est diversifié. Nous y trouvons l’animateur et un groupe d’experts qui va s’exprimer sur une thématique claire.
La première chose qu’il est possible de dire à une personnalité politique qui se rend à cette émission est qu’elle sera cantonnée à un sujet bien précis. L’émission est relativement courte et les intervenants nombreux. Par conséquent, l’invité politique n’aura pas tout le loisir de développer les différentes idées de son projet mais au contraire il devra en un temps réduit s’exprimer sur un sujet défini, sujet qui par ailleurs lui est imposé par l’émission.

L’invité politique doit s’attendre à une forte contradiction car les experts se montreront intraitables. Ces derniers sont invités parce qu’ils sont justement spécialistes du sujet traité par l’émission. La contradiction se fera de manière instantanée à l’inversion de Radio France Politique.
En outre, les auditeurs peuvent intervenir dans l’émission ce qui favorise le débat. Des questions pièges peuvent alors survenir et prendre l’invité politique à défaut.

Les tours de paroles sont brefs et vifs. Il faut alors être alerte pour pouvoir en un temps assez court justifier son point de vue.
Nous ne sommes pas dans un système clos, l’ensemble des intervenants peut se contredire et se défendre.

Dans ce programme, il faudra se montrer calme et réfléchi. L’animateur désamorce immédiatement les tensions car le débat doit bien se dérouler. L’ironie est à éviter car la réplique ne s’adresse pas à des journalistes mais à un groupe d’experts ; la controverse est menée par l’animateur.

D) Deux logiques différentes

En résumé, ces deux émissions fonctionnent en suivant des logiques différentes.
« Radio France Politique » est longue, elle dure 45 min. L’invité politique se retrouve face à un panel de journalistes. Il s’agit déjà d’une indication à savoir que les sujets seront traités sans concession et que l’invité politique devra prendre son temps pour s’expliquer et faire preuve de pédagogie. Les journalistes lui posent des questions précises et succinctes, ils n’hésitent pas à contredire la personnalité quand elle leur apparaît énoncer une contre vérité. Nous sommes dans la posture de l’affrontement. L’invité politique semble subir un examen de fin de trimestre. Les incohérences de son action, de ses discours, de son bilan sont pointées.

« Le téléphone sonne » aborde une logique différente. Le groupe d’experts débat avec reconnaissance et amabilité. Le responsable politique devra être à leur niveau sans se montrer condescendant. D’une certaine manière, « Le téléphone sonne » lui permettra sur un sujet particulier et concis de donner implicitement son avis. Cet avis sera éventuellement combattu par le groupe d’experts à l’antenne. Il ne pourra pas se répandre comme il peut l’être dans « Radio France Politique ». L’invité devra répondre aux questions immédiatement sans les remettre à plus tard.

Afin d’effectuer une métaphore sportive, « Le téléphone sonne » relèverait du ping-pong car les échanges sont rapides et courts tandis que « Radio France Politique » correspondrait davantage à une course d’endurance.