Jean-Jacques Bourdin et François Hollande





Depuis 2004, Jean Jacques Bourdin, rédacteur en chef de RMC Info, anime également la matinale, de 6h à 10h, du lundi au vendredi. Il y a fait intervenir les invités et les auditeurs sur l’actualité. Cette émission, Bourdin and Co, offre une place particulière aux candidats à la présidentielle, sous la forme d’un face à face dans le créneau Bourdin 2012, l'heure du choix à 8h30.
Le 20 mars 2012, François Hollande était l’invité de l’émission et a dû réagir à un fait d’actualité particulièrement délicat, puisqu’il faisait ressurgir le débat sur l’identité nationale, thème récurrent en période de présidentielle.
Le 19 mars 2012, la veille de l’émission, trois enfants et un enseignant sont abattus à l’entrée d’une école juive à Toulouse. Cette tuerie survient quelques jours après les meurtres de trois militaires d’origine maghrébine et antillaise. Le lien est rapidement fait entre ces actes meurtriers et la police parvient rapidement à identifier le coupable présumé, Mohammed Merah. Ce dernier revendique ces meurtres en raison de ses positions extrémistes de partisan d’Al Quaïda.
Les meurtres de militaires français d’origines différentes et de ces enfants français de confession juive ramènent, une fois de plus,  au centre de la campagne présidentielle les thèmes de l’identité nationale et du symbole de l’école.
Certains candidats à la présidentielle ont voulu, suite à ces évènements, montrer leur soutien aux familles et leur indignation en décidant de suspendre leur campagne le temps de quelques jours. C’est le cas de François Hollande. Notons par ailleurs que le 20 mars, le temps de parole officiel des candidats dans leurs interventions médiatiques n’est pas encore décompté.
Pour procéder à l’analyse de cette émission, nous avons sélectionné trois séquences d’environ 3 minutes. Chacune d’elle s’avère pertinente d’une part en terme de contenu, puisque toutes traitent de l’identité nationale et de la vision du politique de son pays, mais également en terme de forme, puisqu’elles présentent chacune un intérêt en termes de structure discursive. Il est d’ailleurs intéressant de noter que ces trois séquences se situent à des moments clefs de l’émission, à l’ouverture, à la reprise après la pause et à la clôture. On peut donc clairement observer que la structure semble avoir une influence sur le fond.

Partie I : Analyse discursive de l’émission Bourdin 2012, l’heure du choix, du 20 Mars 2012 avec François Hollande.
La première séquence est celle d’ouverture (0’00_ 2’05). Nous l’avons trouvé pertinente parce qu’elle permet d’amorcer le thème de l’identité nationale. D’un point de vue formel, cette séquence est intéressante car l’articulation du discours révèle plusieurs éléments déterminants pour la mise en perspective de l’émission.


A.    Grille d’analyse de la séquence #1 :

Séquence 1_ 0’00-2’06 min

Jean Jacques Bourdin

François Hollande

Domaine de la pratique sociale

                                      ACTUALITE


Principes
VERITE,      SERIEUX,          REALITE


Finalités
·      Faire de l’audience 
·      Informer
· Interroger  les candidats à l’élection présidentielle
·  Convaincre les français
·  Gagner l’élection présidentielle

Visées discursives
·  Faire parler, interroger François Hollande sur un sujet précis : La tuerie de Toulouse.
·   Repositionner François Hollande dans le rôle de candidat à l’élection présidentielle
·  Se positionner en tant que représentant politique.
·  Rassembler les français autour des valeurs communes de la République.

Axe dialogique

CONVERSATION


Orientations discursives
·         Discours hétéro-centré
·         Explicatif
·         Réflexion sur la connaissance du monde.


Coopération/confrontation

COOPERATION


Prise de parole/ relance

·         Prenant
·     Relances par reprise

·         Prenant/Sollicité
·  Relances par adjonction

Tours et temps de parole

Courts / peu nombreux

Longs/ peu nombreux

Rôles

Journaliste
Représentant politique/ candidat à l’élection présidentielle

Ethos/Logos/Pathos

Pathos / Logos

Logos

Types d’intervention

·         Interventions non problématisées.
·  Interventions directives

·  Interventions réactives

Actes interlocutifs

Questions (solliciter les informations)

Réponses (actes qui réagissent à des sollicitations).






















































Certains éléments de la grille d’analyse étant communs aux trois séquences étudiées dans ce dossier, nous avons pris le parti de les exposer et en faire l’analyse uniquement dans l’étude de la première séquence. L’émission Bourdin 2012, l’heure du choix, présentée par Jean Jacques Bourdin est un programme dont le domaine de la pratique social est l’actualité. Bourdin 2012, l’heure du choix est une émission d’actualité politique ayant pour objectif d’interviewer les candidats à l’élection présidentielle de 2012 ainsi que  les portes paroles des partis politiques en compétition. Cette situation de communication  nous permet d’espérer de ce programme un certain nombre d’attentes (une conduite professionnelle et une déontologie). Ces attentes sont des modèles de situation de communication qui sont acquis par apprentissage ainsi que par des représentations, des normes sociales et des valeurs partagées.
Le contrat de communication est défini par la situation de communication. Cette situation prédétermine le discours et la construction du sens. Le contrat de communication donne une dimension normative et cognitive au discours.

Les principes 

L’analyse des trois séquences, nous a permis de dégager trois principes liés au discours. Tout d’abord, le principe de réalité. En effet, le domaine de la pratique sociale étant l’actualité, les événements analysés sont réels et avérés (support audio, vidéo). Pendant environ 20 minutes,  François Hollande et Jean Jacques Bourdin vont discuter de l’identité nationale, des valeurs républicaines et de la laïcité avec comme toile de fond un fait divers récent : les tueries de Toulouse et Montauban. Ce discours traduit un état de conscience du monde. Le principe de sérieux est également observé. L’interview de François Hollande réalisée par Jean Jacques Bourdin  met en lumière les thèmes phares de la campagne présidentielle : union nationale, identité nationale, valeurs républicaines, sujets chers aux Français. De plus, le principe de vérité est primordial dans ce type de programme. Compte tenu du type d’émission et de l’invité, François Hollande candidat à l’élection présidentielle. Ainsi, nous sommes en droit d’attendre que le discours tenu par ce dernier soit vrai.  Ces principes sont primordiaux  afin  légitimer et crédibiliser le propos de l’émission. 

Rôles 

Jean Jacques Bourdin est un journaliste, cela signifie qu’il se place en position d’expert garant de la démocratie ayant pour mission d’informer les citoyens par le biais d’un discours hétéro centré. Le journaliste, par essence informe, explique et donne à voir des faits d’actualité et de société.

François Hollande est invité sur le plateau en tant que représentant politique. En effet, suite à la tuerie de Toulouse, certains candidats dont François Hollande ont décidé d’interrompre leur campagne pendant 48 heures. Il est alors invité sur l’émission en tant que représentant politique et non candidat à l’élection présidentielle.
Indépendamment de tous partis politiques, Hollande tente de se positionner en tant que représentant politique qui fédère les français autour de valeurs communes. Cependant, Bourdin tente constamment de repositionner Hollande dans le rôle de candidat à l’élection présidentielle.

François Hollande : «  non, il ne s’agit pas d’union nationale… »
Bourdin : «  oui, en termes politique… j’oublie la politique ! »
François Hollande : « oui, oublions la politique »

Les finalités 
Jean Jacques Bourdin : si l’on prend conscience des préoccupations des dirigeants de radios qui sont, essentiellement, d’ordre économique, une des premières finalités applicable à Jean Jacques mais également à l’ensemble des journalistes et animateurs radio ou télévision, est celle de l’audience. Dans le cadre de l’émission Bourdin 2012, l’heure du choix, Jean Jacques Bourdin a pour finalité d’interroger l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle et de ce fait, d’informer les citoyens français sur les propositions de ces derniers.
La finalité de François Hollande est de convaincre les citoyens français de la légitimité de sa candidature et par extension d’être élu président de la République.
Les visées discursives
Les visées discursives de Jean Jacques Bourdin dans cette émission, sont   de faire parler, questionner, afin d’obtenir la position du représentant politique, François Hollande, sur des thèmes précis. De plus,  Bourdin tente de repositionner Hollande dans son rôle de candidat à l’élection présidentielle.

François Hollande dans cette interview, tente de se positionner comme le représentant des français au-delà de tout parti politique. Il veut également être perçu comme celui qui rassemblera les français autour des valeurs républicaines.

Les orientations discursives
Leur discours s’oriente vers une réflexion sur la connaissance du monde. De ce fait, le discours est hétéro centré et explicatif.

Axe dialogique /coopération & confrontation
Pendant la durée de cette séquence, soit deux minutes, les protagonistes parlent des sujets proposés par le journaliste de manière agréable. Il est tout de même pertinent d’indiquer que dans cette séquence, Hollande coupe la parole à Bourdin sans que ce dernier n’insiste pour la garder. Cependant, l’interview se déroule dans un échange cordial et respectueux, nous ne pouvons pas dire, non plus, qu’ils échangent sur des thèmes sur lesquels ils ne sont pas d’accord. De ce fait, nous dirons que cette séquence se place sur l’axe dialogique au niveau de la conversation.  

Prise de parole/ relance.
Jean Jacques Bourdin : les prises de parole sont prenantes chez le journaliste. Dans la séquence #1, Bourdin relance l’invité par reprise. Il reprend ce qui a été dit par Hollande juste avant. François Hollande : «  L’union de tous les français face à ce qui est une agression » reprise par relance de Jean Jacques Bourdin : « Face à ce qui est une agression… plus qu’une agression, un crime ».

François Hollande : les prises de paroles chez Hollande sont, dans un premier temps, sollicitées par le journaliste. Nous sommes alors dans le cadre classique de l’interview. Cependant, alors que Bourdin est en train de poser une question (concernant la campagne présidentielle), François Hollande coupe la parole au journaliste, il se trouve dans une position de prenant. De plus, Hollande fait une relance par adjonction alors que Bourdin tente de le repositionner comme candidat à l’élection présidentielle alors qu’en raison de la tuerie de Toulouse, François Hollande a décidé de suspendre sa campagne pendant 48heures.  (Voir le schéma de la séquence #1)

Tours et temps de parole

En ce qui concerne les tours de parole, nous sommes dans un schéma classique de l’interview. Le journaliste pose des questions et François Hollande y répond (directement ou indirectement). Bourdin pose des questions courtes et peu nombreuses. En effet, Hollande peut ainsi exposer son opinion sans être coupé par le journaliste. La séquence #1 dure 2 min 06, la première réponse d’Hollande dure 1min 02. De ce fait, nous pouvons dire que pour Hollande les tours de paroles sont peu nombreux mais le temps de parole est assez long. 

Ethos/ Pathos/ Logos 
Jean Jacques Bourdin et François Bourdin sont dans une conversation essentiellement basée sur l’actualité politique dans un discours hétéro-centré empreint de logos. Nous pouvons également rajouter que la première intervention de Bourdin qui est une intervention directive, joue sur le pathos. Jean Jacques Bourdin : «  Ils s’appelaient Imhad, Mohamed, Abel, Myriam, Jonathan, Arieh et Gabriel… Le Mal les a tués… ».

Types d’interventions et actes interlocutifs
Afin de mettre en lumière l’articulation des interventions, les parties types d’intervention et actes interlocutifs seront présentés sous forme de schéma.
Schéma de l’échange discursif de la séquence # 1
·         1ere intervention Bourdin
Intervention non problématisée (Fonction phatique) 0’00-0’32min                             « François Hollande est avec nous ce matin. Bonjour ! »

Intervention directive de Bourdin : Il ouvre un domaine thématique, les valeurs républicaines avec en     toile de fond la tuerie de Toulouse. 
 Actes interlocutifs :
  Assertion
              «  Ils s’appelaient Imad, Mohamed, Abel, Myriam, Jonathan, Arieh et Gabriel… Le Mal les a tués… ».
  Sollicitation d’une information
            « Vous avez appelé hier à une réponse ferme de la République.                         Laquelle François Hollande ? »
·         1ere intervention de François Hollande : 0’32-1’40 min

 Intervention directive respectée
 Acte interlocutif qui réagit à une sollicitation

·         2eme intervention de Bourdin : 1’39-1’44 min

Relance par reprise : François Hollande : « L’union de tous les français face à ce qui est une agression » reprise par relance de Jean Jacques Bourdin : « Face à ce qui est une agression… plus qu’une agression, un crime ».

·         2eme intervention Hollande : 1’44 -2’05 min

Intervention réactive avec une relance par adjonction
 François Hollande : «  non, il ne s’agit pas d’union nationale… »
Bourdin : «  oui, en termes politique… j’oublie la politique ! »
François Hollande : « oui, oublions la politique »



B.     Grille d’analyse de la séquence #2
Séquence 2
7’25’’ – 10’22’’

Jean Jacques Bourdin

François Hollande

Domaine de la pratique sociale
Actualité

Principes
Vérité, sérieux, réalité

Finalités
·         Faire de l’audience
·         Informer
·         Interroger les candidats à l’élection présidentielle
·         Convaincre les Français
·         Gagner l’élection présidentielle

Visées discursives
·         Pousser Hollande à prendre position
·         Confronter Hollande aux propos d’un autre candidat
·         Replacer Hollande dans le rôle de candidat
·         Se poser en représentant politique
·         Exprimer sa position sur l’actualité

Axe dialogique
Conversation

Orientations discursives
Discours narratif hétéro-centré
Discours explicatif hétéro- et égocentré

Coopération/confrontation
Coopération

Prise de parole/ relance
1.      Prenant
2.      Prenant, relance par reprise
1.      Sollicité
2.      Sollicité

Tours et temps de parole
1.      45’’
2.      3’’
1.      20’’
2.      110’’

Rôles
Journaliste
Représentant politique / Candidat à l’élection présidentielle

Ethos/Logos/Pathos
Logos
Logos / ethos

Types d’intervention
1.      Problématisée directrice respectée
2.      Problématisée de relance par reprise (interruptive)
1.      Problématisée réactive
2.      Problématisée réactive

Actes interlocutifs
1.      Assertion + sollicitation
2.      Sollicitation
3.      Réaction à sollicitation
4.      Réaction à sollicitation

Rôles
Le rôle de Jean-Jacques Bourdin est celui de journaliste, comme dans le reste de l’émission. Il pose des questions à son invité, le relance et le laisse s’exprimer.
Le rôle de François Hollande est quant à lui un peu plus subtil. En effet, il se partage entre celui de représentant politique et celui de candidat à l’élection présidentielle. D’une manière générale, et dans cette séquence en particulier, l’attribution des rôles est un enjeu de l’interaction dans cette émission. En effet, on l’a vu, au moment de l’émission, certains candidats ont pris le parti de suspendre leur campagne en raison des tueries de Montauban et de Toulouse et d’autres celui de la poursuivre. Le positionnement de François Hollande à cet égard est donc un enjeu du discours, qui se matérialise à plusieurs reprises, et notamment dans cette séquence, lorsque Bourdin confronte Hollande aux propos de Bayrou et lui demande de se positionner.

Visées discursives
Dans cette seconde séquence, Jean-Jacques Bourdin poursuit plusieurs visées discursives. D’abord, il pousse François Hollande à exprimer son positionnement sur la question du rôle joué par les mots de certains personnages politiques dans les tueries de Montauban et de Toulouse. Pour ce faire, il le confronte aux propos d’un autre candidat, François Bayrou. Ensuite, en citant Bayrou, Bourdin poursuit une seconde visée discursive, celle de replacer Hollande dans son rôle de candidat à l’élection présidentielle.
En ce qui concerne Hollande, on identifiera une visée discursive principale, celle de se positionner en représentant politique face au peuple. Pour ce faire, il refuse de se laisser redéfinir par Bourdin comme un candidat aux présidentielles et insiste fortement sur sa vision du rôle des élus en général.

Axe dialogique/ coopération & confrontation
L’absence de prise de position personnelle de Bourdin rend toute discussion impossible. En effet, dans cette séquence comme dans le reste de l’émission, l’échange se place, sur l’axe dialogique, au niveau de la conversation, car aucun des deux interlocuteurs ne cherchent à évoquer des points de divergence.
Dans cette séquence, Hollande et Bourdin sont tous deux dans un échange sur le mode de la coopération. En effet, les tours de paroles sont respectés, aucun des interlocuteurs ne cherche à s’opposer à l’autre et tous deux participent à la co-construction du discours.

Orientation discursive
Le discours de Jean-Jacques Bourdin au cours de cette séquence est clairement narratif et hétéro-centré, puisqu’il ne fait que citer les propos d’un autre personnage politique au sujet d’éléments du monde.
Le discours de François Hollande est, quant à lui, de type explicatif, puisqu’il présente et développe sa vision des choses et de la situation. Il est en revanche plus difficile d’en déterminer l'orientation. En effet, d’un point de vue objectif, Hollande parle d’éléments du monde qui lui sont étrangers. Néanmoins, on l’a dit plus haut, son discours s’inscrit dans une finalité bien précise, celle de convaincre les auditeurs et de gagner des voix électorales. Son discours est hétéro-centré puisqu’il parle d’éléments du monde, mais également égocentré, puisqu’il développe et met en avant sa propre vision de ces éléments et cherche à se positionner lui-même comme représentant politique.

Tours de parole/ temps de parole
Cette séquence se compose de deux tours de parole. Le premier est initié par Bourdin, qui prend la parole et sollicite Hollande qui lui répond. Le second est également initié par Bourdin, qui interrompt Hollande par une relance. La répartition de la prise de parole correspond donc au schéma classique du contrat de communication de ce genre d’émission, avec un journaliste prenant et un invité sollicité.
Le temps de parole est réparti de manière très inégale, en faveur de François Hollande. En effet, les deux interventions de Bourdin durent respectivement 45 et 3 secondes, celles de Hollande 20 et 110 secondes. En termes de relation, on observe donc que la relation verticale est sensiblement égalitaire, même s’il est à noter que le temps de parole de l’invité est plus important que celui du journaliste. En termes de relation horizontale, le vouvoiement est de mise et le ton reste très mesuré et cordial, on peut donc dire que la relation est également égalitaire. Chacun occupant la position que lui prescrit le contrat de communication, ce qui instaure un régime de relations très équilibré.

Ethos/logos/pathos
Jean-Jacques Bourdin, dans cette séquence, produit un discours basé essentiellement sur le logos, puisqu’il parle d’éléments du monde de manière rationnelle.
Quant au discours de François Hollande, il est constitué à la fois de logos, puisqu’il est de nature explicative et rationnelle, et d’ethos, dans la mesure où il peut être considéré comme égocentré, lorsque Hollande évoque sa vision des choses et sa prise de position en tant que représentant politique.

Types d’intervention et actes interlocutifs
Les interventions des deux interlocuteurs au cours de cette séquence sont toutes problématisées. La première, faite par Jean-Jacques Bourdin, constituée d’une assertion et d’une sollicitation, est de type directive, mais n’est pas tout à fait respectée par son interlocuteur. En effet, la première intervention de Hollande, de type réactive, permet la réalisation d’une paire classique question/réponse mais contient néanmoins le refus de Hollande de répondre exactement à la question telle qu’elle est formulée par le journaliste.
Bourdin :        « (Citation) Vous êtes d’accord avec lui ? »
Hollande :       « Je ne veux pas ici faire de commentaire de campagne. Je ne veux pas porter de jugement, je reste dans l’analyse (…). Il y a des mots qui peuvent avoir des conséquences.»
La seconde intervention de Bourdin est une reprise par relance qui interrompt le tour de parole de Hollande et permet au journaliste de demander à son interlocuteur de préciser son propos. Il s’agit donc d’un acte de sollicitation. La seconde intervention de Hollande est quant à elle toujours de type réactif, puisqu’il répond à la demande de précision du journaliste. En termes d’actes interlocutifs, on note que pour ses deux interventions, Hollande réagit à une sollicitation.
Bourdin : « Est-ce qu’il y a des mots qui tuent ? »
Hollande : « Je n’irai pas jusque-là, mais il y a des mots qui influencent (…) »

Schéma de la séquence #2
·         1ere Intervention de Bourdin
- Intervention directive 
- Actes interlocutifs : Assertion + sollicitation : Bourdin cite Bayrou, Bourdin : « Vous êtes d’accord avec lui ? »
·         1ere Intervention de Hollande
-  Intervention réactive
-  Actes interlocutifs : Réaction à sollicitation : Hollande : « Je ne veux pas faire de commentaire de campagne (…)» Hollande donne son avis sur le thème de la citation

·         2eme Intervention de Bourdin
-  Relance par reprise : Bourdin reprend les paroles de Hollande et lui demande de préciser son propos.
-  Actes interlocutifs : Sollicitation

·         2eme Intervention de Hollande
-  Intervention réactive
-  Réaction à une sollicitation

C.     Grille d’analyse de la séquence #3

Séquence 3
15’40’’ – 18’50’’

Jean Jacques Bourdin

François Hollande

Domaine de la pratique sociale
Actualité

Principes
Vérité, sérieux, réalité

Finalités
         Faire de l’audience
         Informer
         Interroger les candidats à l’élection présidentielle
·         Convaincre les Français
         Gagner l’élection présidentielle

Visées discursives
         Faire parler Hollande de la présidentielle
         Montrer son amour de la France

Axe dialogique
Conversation

Orientations discursives
Discours narratif hétérocentré
Discours narratif explicatif hétéro- et égocentré

Coopération/confrontation
Coopération

Prise de parole/ relance
   1.      Prenant
   2.      Prenant, relance par reprise
   3.      Prenant
   1.      Sollicité
   2.      Sollicité

Tours et temps de parole
   1.      20’’
   2.      38’’
   3.      3’’
   1.      40’’
   2.      25’’

Rôles
Journaliste
Représentant politique / Candidat à l’élection présidentielle

Ethos/Logos/Pathos
Pathos
Pathos / ethos

Types d’intervention
   3.      Problématisée directrice respectée
   4.      Problématisée de    relance
   5.   Non problématisée
   3.      Problématisée réactive
   4.      Problématisée réactive

Actes interlocutifs
   1.      Assertion + sollicitation
   2.      Sollicitation
   3.      Assertion
   1.      Réaction à sollicitation avec validation de réception
   2.      Réaction à sollicitation

Rôles 
Jean-Jacques Bourdin se positionne  dans l`émission comme journaliste. En ce qui concerne Hollande, il conserve tout au long de la séquence son rôle de représentant politique.

Visées discursives 
Les fonctions professionnelles de Jean-Jacques Bourdin amènent aux visées discursives suivantes: faire en sorte que F. Hollande prenne des positions de candidat sur l'identité nationale et le pousser à entrer dans un rôle de candidat a l'élection présidentielle. Les dernières "questions" de l'interview sont une sorte de constatation des faits et des événements qui se passent  en France. En conformité avec cela il se charge du rôle de l'informateur de François Hollande et des auditeurs. J.-J. Bourdin lit des mails envoyés par des auditeurs qui souhaitaient réagir au sentiment d'insécurité qu'a fait naître les tueries de Toulouse et Montauban. Aucune question n'est véritablement posée, les témoignages font office de question. Hollande réagit seul, sans autre intervention de Bourdin et apporte ainsi des réponses aux inquiétudes partagées.

Axe dialogique
L'axe dialogique de la séquence donnée est celui de la conversation. La principale composante du dialogue est une question. Les questions du journaliste n'incitent pas au dialogue ni au débat. En effet, un débat est une discussion sur un sujet, précis ou de fond, annoncé à l'avance, à laquelle prennent part des individus ayant des avis, idées, réflexions ou opinions divergentes pour le sujet considéré. La dispute, se caractérise par un haussement de ton entre les interlocuteurs, ce qui n'est pas non plus le cas ici. À partir de cela on peut dire avec certitude que cette conversation est construite sur la lecture par Bourdin des lettres des auditeurs.

Orientations discursives
Aux vues des différents rôles que tiennent Bourdin et Hollande, les orientations discursives sont par ailleurs différentes. Dans cette séquence donnée  on peut remarquer que  Bourdin se tient plus au style narratif de cette conversation, en lisant des lettres des auditeurs, pendant que François Hollande donne "les réponses" et ses réactions de façon explicative. Cependant, Hollande entre dans la narration à plusieurs reprises lorsque par exemple il évoque son expérience personnelle de la situation ou quand il entre dans son rôle de candidat. Il utilise en effet des formules tel que: "mon pays", "je sers", "je ferai" etc.  

Tours et temps de paroles
Le premier à s’exprimer lors de cette séquence est Jean-Jacques Bourdin qui prévient que l’intervention qui suit est un témoignage, un mail qu’il lit : « je lis le mail de Philippe ». La question centrale de cette intervention et sur la place des immigrés et la montée du racisme en France.  À l’aide d’une relance par reprise, Bourdin ajoute à la fin de sa lecture : «  Ce discours revient sans cesse », sur un ton qui entraine François Hollande à s’exprimer sur le sujet.
François Hollande prend donc la parole, qui est sollicitée et qui est une intervention directive respectée. Il reprend le thème de départ qui était sur les assassinats de Toulouse et Montauban. Il insiste sur « les soldats de la république, servant la République. » Pour lui le discours n’est pas à l’immigration. Jean jacques Bourdin reprend la parole. Une fois de plus, il annonce la lecture d’un mail : « Et j’ai un autre mail, celui de Nabyle ». Le ton de Bourdin se fait plus grave, plus théâtral. François Hollande, dont la parole est une fois de plus sollicitée, utilise l’assertion pour répondre au journaliste : « ça c’est un témoignage extrêmement fort celui de Nabyle. »
La séquence se termine sur une intervention de Bourdin qui est non problématisée puisque phatique. En effet, il s’agit de la séquence de clôture de l’émission : « Merci, François Hollande était notre invité ce matin. »
Le politique et le journaliste sont chacun dans leur rôle. Au niveau de la parole, le journaliste est prenant et l’invité est sollicité. Le temps de parole est inégal. Dans cette séquence, Bourdin parle plus que durant le reste de l’émission. Cependant, ses interventions sont une lecture de mail d’auditeurs, ce qui n’implique aucune question directe posée par la volonté du journaliste. Des thèmes sont présents dans chacun des mails, et Bourdin sollicite une réponse en accord avec ce thème sans pour autant dirigé François Hollande sur une réponse précise.  De plus, Hollande, dans ses interventions, interroge, par son élocution. On reste cependant dans la discussion, Bourdin ne répond effectivement pas, mais se contente d’écouter et de relancer, sans reprise, la discussion autour d’autres témoignages.

Ethos/Pathos/Logos
Dans la séquence étudiée, on peut remarquer que François Hollande et Jean-Jacques Bourdin appartiennent à la même catégorie de la rhétorique - le pathos. La façon dont Bourdin lit les lettres sont chargées en émotions. Le ton théâtral du journaliste entraine le ton des réponses du politique, qui se veut alors proche des citoyens. Il est aussi dans le pathos, qu'il parle en tant que politique ou en tant que témoin (il témoigne de sa visite à Toulouse et ce qu'il a pu voir des conséquences de la tuerie).

Types  d`intervention
Jean-Jacques Bourdin cumule deux types d'intervention dans la séquence donnée : l'intervention problématisée et directrice. C'est effectivement lui qui donne le ton de l`émission, en formulant la problématique. François Hollande, lui, utilise le  type d`intervention  réactive,  en donnant comme réponses aux  questions posées, des éléments informatifs et en continuation du thème imposé par Bourdin.

Actes interlocutifs
En analysant les actes interlocutifs on peut dire que Jean Jacques Bourdin est dans la sollicitation. Il est nécessaire de remarquer aussi que chaque fois qu'il finit de lire un témoignage il demande à Hollande la validation de ces derniers et sollicite une réponse en adéquation avec les propos tenus. Hollande entre dans ces actes interlocutifs et valide chaque "informations" reçue. Bien que parfois il émette des informations autonomes de part des témoignages personnels, il reprend toujours les propos de Bourdin comme introduction à ses arguments.

Schéma de l’échange discursif de la séquence # 3
·         1ere intervention Bourdin : 15’40- 16 min

-  Intervention directive « François Hollande, je lis le mail de Philippe »
Bourdin rapporte un témoignage pour ensuite solliciter une réaction : «  Ce discours revient sans cesse. »

·        1ere intervention de François Hollande : 16’02-16’43 min

-  Intervention directive respectée
-  Acte interlocutif qui réagit à une sollicitation

     2eme intervention de Bourdin : 16’44-17’22min

-  Intervention directive: « Et j’ai un autre mail, celui de Nabyle » Bourdin n’utilise alors aucune assertion, mais relance sur un autre sujet du même thème


2eme intervention Hollande : 17’23-18’47

-  Intervention réactive avec une relance par adjonction
François Hollande : «  ça c’est un témoignage extrêmement fort celui de Nabyle »

     3ème intervention de Bourdin : 18’47-18’50 min
               à Intervention non problématisée (fonction phatique). Conclusion de l’émission
        -« Merci François Hollande était notre invité ce matin ».


Partie II : Mise en perspective

D’une manière générale, on considère le rôle du journaliste en démocratie comme celui d’un expert, garant de la démocratie, dont le devoir est d’informer les citoyens au moyen d’un discours hétéro-centré afin de leur apporter les informations nécessaires pour leur permettre de voter en toute connaissance de cause.
Le rôle du politique, quant à lui, est de proposer aux citoyens sa vision du pays, sous la forme de propositions et de mesures, qu’il défend dans la sphère publique. De ce fait, on attend d’un politique en situation de face à face avec un journaliste qu’il expose son programme, réponde aux questions et fournisse aux citoyens les informations nécessaires pour leur permettre de faire le choix électoral. Cela implique que le débat ne devrait porter sur les autres candidats ou leur programme.
Afin de procéder à l’analyse globale des résultats de nos observations, nous allons maintenant les mettre en perspective avec ces deux définitions.
Concernant Bourdin, tout d’abord, nous pouvons dire qu’il remplit son rôle de journaliste. En effet, en posant ses questions à son invité, il le pousse à formuler et à expliciter sa vision du pays dont il brigue la présidence, à présenter son programme et ses idées au peuple qui l’écoute. Dans cette séquence, Bourdin évite toute polémique et attaque personnelle, il s’inscrit dans une interaction basée sur la coopération et la co-construction d’un échange productif, qui permet aux auditeurs d’en savoir plus sur le politique interrogé.
On notera par ailleurs l’absence totale de prise de position de Bourdin, qui empêche clairement l’évolution de l’échange en direction d’une discussion ou d’un débat. Cette apparente neutralité s’inscrit, elle aussi, dans le comportement attendu d’un journaliste en démocratie. On s’étonnera en revanche de l’absence de controverse dans cette interaction. En effet, dans cette émission du 20 mars, Bourdin laisse un espace d’expression très important à son invité, sans chercher à le provoquer ou à le prendre en défaut. En termes de structure, on observe d’ailleurs que cette émission s’articule de manière très classique, avec une question courte suivie d’une réponse plus longue, qui correspond à la forme de l’interview telle qu’il peut être défini dans le cadre d’un contrat de communication.
François Hollande, quant à lui, remplit également son rôle de représentant politique tel que nous l’avons défini plus haut, notamment en refusant systématiquement de commenter les propos d’autres candidats que lui présente Bourdin. En revanche, il répond aux questions que lui pose le journaliste, exprime clairement sa vision du pays, ses ambitions, ses projets et se positionne explicitement sur les questions d’identité et de réflexion nationale.
La question de la suspension de la campagne est également d’importance ici, puisqu’elle influence les rôles endossés par François Hollande. On l’a vu dans la seconde séquence, ce positionnement de l’invité entre représentant politique et candidat aux présidentielles est un enjeu de l’interaction. On en revient ici à la notion de contrat de communication et de co-construction des rôles et des identités des interlocuteurs. En effet, le comportement de Bourdin à cet égard, notamment dans la seconde séquence, et surtout la réaction de Hollande, démontrent bien l’importance de la nécessité et de la capacité, pour les interlocuteurs, de se définir mutuellement.
Cette émission du 20 mars 2012 est particulièrement intéressante car elle présente une structure très classique, le respect des rôles des interlocuteurs, tant par Hollande que par Bourdin, celui des normes de l’interaction définies par le contrat de communication et un équilibre dans les relations entre les deux inter-actants.
Afin de mieux souligner l’apport de cette analyse, il est nécessaire de la mettre en perspective celle de l’émission du 5 janvier 2012, date à laquelle Bourdin recevait Nadine Morano.
Cette analyse avait en effet permis de révéler un certains nombre d’éléments importants. D’abord, Jean-Jacques Bourdin y apparaissait comme l’élément principal de l’émission. Il était très présent, attentif et réactif à tous les instants et menait seul le débat. On l’a vu, il n’en va pas du tout de même dans l’émission du 20 mars. En effet, on appuiera cette affirmation par la répartition du temps de parole, notamment, c’est l’invité, François Hollande qui est au centre de l’émission. Il dispose d’un temps de parole très important, n’est que très peu interrompu, peut développer ses idées jusqu’au bout, face à un Bourdin silencieux et attentif.
La première analyse avait par ailleurs qualifié Jean-Jacques Bourdin de « Super animateur », en ce qu’il se comportait de nombreuses façons différentes, dans le souci de rester toujours crédible pour ses auditeurs. Dans la seconde analyse, Bourdin apparaît comme un interlocuteur constant et cohérent, qui respecte le rôle qui lui est attribué par le contrat de communication et tel qu’il est co-construit avec son invité. Si la première analyse a mis au jour une certaine ambivalence chez Bourdin, celle-ci n’apparait pas dans l’émission du 20 mars.
Un autre élément très important révélé par l’analyse de la séquence avec l’invitée Nadine Morano concerne le ton adopté par Jean-Jacques Bourdin. En effet, il s’y est clairement positionné en face à face avec son invitée, à en tant que représentant de l’opposition et en tant que représentant du peuple. Son franc-parler et son insistance à obtenir les réponses aux questions parfois éludées ont été source de débat, de controverse, voire de polémique. C’est un aspect du personnage de Bourdin qui semble récurrent dans de nombreuses émissions. Ce qui fait d’ailleurs l’importance des résultats de la seconde analyse. En effet, le 20 mars 2012, c’est un régime d’interaction bien différent. Bourdin ne cherche pas la controverse, il laisse son invité répondre à ses questions comme il l’entend, lui laisse le temps de terminer ses phrases et ne le relance que très rarement. On observe dans cette émission une attitude très consensuelle de la part de Jean-Jacques Bourdin, comme on a pu le voir en évaluant le placement de l’échange sur l’axe dialogique, notamment. L’échange est de l’ordre de la conversation et Bourdin se situe vraiment dans la coopération.
Alors que l’analyse de l’émission avec Nadine Morano a montré que Jean-Jacques Bourdin n’hésite pas à se jouer des codes de la communication en prenant une position égalitaire, non distanciée, voire supérieure avec son invitée, l’émission du 20 mars est bien différente. En effet, face à François Hollande, Bourdin se positionne vraiment comme journaliste et laisse la place principale à son invité. Il renonce à jouer les experts comme il a pu le faire face à d’autres invités (Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy qu’il avait piégés avec sa question sur le nombre de sous-marins nucléaires de l’armée française, ou le même Sarkozy et Valérie Pécresse, avec une question sur le nombre de soldats français morts en Afghanistan). Cette position égalitaire voire inférieure adoptée par Bourdin face à Hollande peut d’ailleurs être appuyée par l’analyse de la première séquence de l’émission du 20 mars, lorsque Hollande coupe la parole à Bourdin et que celui-ci cède lui la parole.
L’adoption par Bourdin d’une posture oppositionnelle est vraiment ressortie de manière très claire de l’analyse de la première émission. Le visionnage d’autres émissions de Bourdin 2012, notamment celle dont l’invité était Jean-François Copé ou Marine Le Pen, nous a également permis d’observer cette posture discursive récurrente, sans pouvoir l’analyser de manière rigoureuse bien sûr. Il est donc d’autant plus intéressant de faire l’observation inverse, appuyée cette fois par l’analyse discursive rigoureuse qui a été faite, en ce qui concerne cette émission du 20 mars avec François Hollande. Dans la perspective qui est la notre, nous pouvons ici nous interroger sur les facteurs qui favorisent ce positionnement surprenant de Jean-Jacques Bourdin face à son invité François Hollande, notamment en termes de famille politique. On se demandera ainsi quelle est la part jouée par les convictions politiques personnelles de Jean-Jacques Bourdin dans la manière dont il interagit avec ses invités.