Arlette Chabot et François Hollande sur Europe 1 le 11 avril 2012
Dans l'interview du 11 avril 2012 de François Hollande sur Europe 1,
Arlette Chabot oriente principalement l’échange sur le second tour des
présidentielles, et plus précisément les propos de son adversaire principal,
Nicolas Sarkozy. Nous avons analysé un extrait d’environ trois
minutes qui nous semblait être particulierement pertinent (de 2 min 20 à 5 min
34).
I. Analyse factuelle du programme
1.1 Domaine de la pratique sociale
L’émission
d’Arlette Chabot est toujours en lien avec l’actualité médiatique et ici
précisément politique lorsqu'elle reçoit François Hollande quelques jours
avant le premier tour des présidentielles 2012. Toutes les questions d’Arlette
Chabot sont portées sur les actions de ce candidat socialiste, ainsi que sur
son programme et son avis suite aux attaques que Nicolas Sarkozy a proféré à
son encontre. Arlette Chabot
ouvre le débat et oriente l’angle de l’interview.
1.2 Les principes
Nous avons un principe de sérieux car ce programme
s’intéresse à l’élection présidentielle de 2012 ; mais aussi un principe
de réel car on parle de la future présidence de la France, sujet polémique
et décisif. François Hollande suit un principe de vérité et de
sérieux : il est ici pour défendre sa place et ses idées, dans l’espoir
d’être entendu et élu par le peuple français.
1.3 Les visées discursives
La
journaliste pose des questions et tente de garder un discours neutre et sans
équivoque. C’est pourquoi le candidat interviewé prend position, donne son
avis, cherche à convaincre pour séduire son électorat, sans effet de polémique
ou d’attaque l’un envers l’autre.
1.4 Les finalités
Le
but de cette interview est double : réaliser une très bonne audience d’une
part, défendre sa place et ses idées d’autre part. Pour Arlette Chabot, il faut
faire parler le candidat, savoir aussi reprendre la parole, et enfin lui
permettre de donner son avis sur les autres candidats, et principalement
Nicolas Sarkozy, son « rival ».
Pour François Hollande, venir parler
sur Europe 1 va lui permettre d’exister médiatiquement, que ce
soit dans la sphère politique mais aussi auprès de son électorat. Il cherche à montrer
sa responsabilité citoyenne : il est prêt à endosser le rôle qu’on va
peut-être lui octroyer le 6 mai 2012, et il le prouve en défendant ses idées auprès
d’Arlette Chabot.
1.5 Les orientations discursives
Le
discours est hétérocentré : il tourne autour de la réflexion et de la connaissance du monde
pour la journaliste, et autocentré pour François Hollande, car il parle
principalement de lui, de ses projets et ses actions futures. Il utilise souvent le « je » qui est significatif : nous
sommes face à un discours subjectif, porté sur sa personne elle-même, donc dans
l’éthos, mais aussi un peu dans le logos et le pathos, car il fait part à
son électorat de ses projets. Il cherche à toucher les gens, en montrant ce à
quoi il est prêt à faire face.
1.6 Les rôles
Arlette
Chabot est journaliste et distributrice de paroles, elle amène les questions et
cherche à ouvrir le débat, ou alors à le recentrer. Elle garde tout au long de
l’échange sa place d’animatrice de l’émission, se permet même quelques fois (rarement) de
lui couper la parole ou de le reprendre. François
Hollande est candidat à la présidentielle de 2012 et plutôt dans une place d’expert,
notamment en ce qui concerne la politique de la France et de nos voisins. C’est
un politicien français, c’est pourquoi on s’attend à un langage soutenu de sa
part, à un vouvoiement, mais aussi qu’il réponde aux questions de la
journaliste, qui représente en quelque sorte la « voix du peuple ».
En effet, les questions qu’elle lui pose sont des questions qu’on pourrait tous
se poser.
1.7 Les relations horizontales et verticales
L’entente
est cordiale. Il n’y a pas un mot plus haut que l’autre. La relation
horizontale est assez distante, on ne sent pas les deux protagonistes très
proches. Pour ce qui est de la relation verticale, le ton reste institutionnel.
Arlette Chabot offre la
possibilité à un des candidats à la présidentielle de venir s’exprimer en
direct mais elle adopte une position basse car elle
laisse tranquillement parler le candidat, sans jamais le provoquer ou tenter de
le déstabiliser.
II. La mise en perspective de la parole politique
2.1 Coopératif ou conflictuel?
Il n' y a pas de confits.
Arlette Chabot est davantage dans la coopération avec François Hollande. Elle
termine ses questions par « c'est
vrai, c'est faux ». Cette ouverture ne met pas le candidat en mauvaise
posture. La journaliste ne l'accable pas. Elle coopère en lui laissant
l'opportunité de s'expliquer sur ses propos. Elle est dans son rôle de
journaliste à la recherche de la vérité. Cela s'exprime aussi à travers
l'emploie du conditionnel « de politesse » dans ses questions. Elle
dit : « vous pourriez dire »
et non pas « vous devriez dire » par exemple. Arlette Chabot rebondit
lors d'une de ces questions :
« J’allais vous poser cette
question » à savoir celle à laquelle vous venez de répondre. Il n'y a
pas d'attaque. Le vrai, faux est récurrent. À un moment de l'extrait, la
journaliste conforte les propos du candidat, elle dit « ouais ». De plus, lorsque Arlette Chabot évoque les
propos du président actuel concernant le candidat F.Hollande, elle cherche à
connaître le sentiment de F. Hollande sur ces attaques « ça vous blesse ? », « vous encaissez ». Elle utilise un champ lexical de la
violence, on pourrait parler de coups reçus, de combat. Le fait d'utiliser le
verbe « encaisser » peut sous-entendre la « force » du
candidat F. Hollande.
La position du candidat face à la journaliste se situe
aussi dans la coopération. Il répond aux questions posées. Lorsque la
journaliste lui laisse la possibilité du vrai / faux, il répond mais sans
reprendre ces mots. L'échange est bien là. Il n'y a pas de déni, de rejet.
2.2 Le temps de parole / Le nombre de prises de parole
Le candidat parle plus que la journaliste. Après retranscription, cela est conforté par la longueur des
phrases du candidat. En moyenne 65,5 mots par intervention pour Hollande et Arlette
Chabot 16,75 mots.
Après calculs du pourcentage du temps de parole de
chaque intervenant, rapporté au temps de parole général de l'extrait, on peut
estimer que la journaliste occupe la parole pendant 9,2 % contre 90,8 % de
temps occupé par François Hollande. Le temps de parole de la journaliste est
ainsi 10 fois inférieur à celui de son invité. On peut ainsi dire que la parole
est largement laissée à l'invité qui peut s'exprimer à sa convenance.
2.3 Les types de prises de parole
Arlette Chabot en tant que journaliste prend la
parole. Elle mène l'interview en posant les questions qu'elle souhaite. Sur 8
prises de parole 7 sont prenantes. La dernière est sollicitée. En effet,
François Hollande prend à partie, interroge la journaliste : « Vous avez vu comment les espagnols ont réagi
? Vous pensez que… ».
François Hollande est sollicité dans sa prise de
parole par les questions de la journaliste qui l'interroge par le « vrai, faux ? », qui l'incite à
réagir avec des accusations du candidat de l'opposition comme : « Quand vous entendez que si vous arrivez au
pouvoir la France ressemblera bientôt à la Grèce ou à l'Espagne ? ».
Deux prises de parole de François Hollande peuvent être considérées comme prenantes
et notamment lorsqu'il fait référence implicitement aux accusations faites par
Nicolas Sarkozy à son égard. Par exemple, lorsqu'il dit : « Contrairement à ce qu'il laisse entendre ».
Il récuse les reproches qui lui sont faits.
2.4 Les dimensions dominantes du discours
François Hollande combine différents discours entre
logos, pathos et ethos. Globalement dans l'extrait définit, le candidat est
dans l'ethos et le logos. À travers ces différentes prises de paroles il est
dans le logos. Sa place de candidat à la présidentielle l'y oblige en quelque
sorte. Grâce à cela, il met en avant son éthique, il souhaite produire une
impression favorable aux auditeurs qui l'écoutent car son objectif est bien de
les convaincre à voter pour lui. Dans son discours, le logos est aussi très
important et conforte l'ethos. Par des paroles rationnelles et argumentées, il
répond à la journaliste pour appuyer sa position de candidat à l'élection
présidentielle. Ainsi, il dit : « Je
n'ai rien caché; j'ai tout montré, tout démontré je l'espère. En tout cas tout
évalué, tout chiffré », ou encore « c'est-à-dire euh à la fois une ténacité, euh une volonté et puis aussi
le sens euh d'une certaine retenue. Je n'aurai pas les excès les outrances du
candidat sortant. Et en même temps je sais décider ». Deux propos qui
illustrent ces deux dimensions.
Arlette Chabot est quant à elle davantage dans
l'ethos. Une nouvelle fois, son rôle de journaliste influe sur ce caractère.
Elle est davantage dans ce registre pour elle aussi faire adhérer les auditeurs
à son propos et se faire apprécier. L'audience reste le leitmotiv de la
journaliste. Une fois, elle bascule dans le registre du pathos lorsqu'elle dit
« mais quand il ironise ça vous
blesse ou pas ? ». Elle est davantage dans l'émotion et cherche à voir
si le candidat est touché par les propos qu'elle expose. Le candidat lui ne
rentre pas dans ce registre et conserve une parole rationnelle.
2.5 Les actes interlocutifs
Propos par tour de parole
(Arlette Chabot)
|
Actes interlocutifs
|
Vous
dites ce n’est pas une autre campagne qui commence au lendemain du premier
tour euh et pourtant on a l'impression que cette fois peut-être plus que dans
les élections précédentes ce sera un affrontement entre deux hommes, deux
tempéraments, deux caractères, c'est vrai ou c'est faux ?
|
Informatif (assertion),
sollicitant (accord/désaccord)
|
Mais
vous pourriez dire aussi deux projets quand même
|
Acte sollicitant
|
Ouais
|
Acte gérant la rencontre
|
J'allais
vous poser cette question, c'est-à-dire que vous parliez de caractère de
tempérament, lui euh s'interroge à haute voix, doute de votre capacité à
décider euh à affronter euh les évènements et votre rapport à l'autorité
serait flou. vrai, faux ?
|
Acte traitant d'information déjà émise
(réception),
Acte sollicitant (accord/désaccord)
|
mm,
mais quand il ironise ça vous blesse ou pas ?
|
Acte sollicitant
|
vous
encaissez
|
Acte d'information déjà émise
(réception, itération)
|
Quand
vous entendez que si vous arrivez au pouvoir la France ressemblera bientôt à
la Grèce ou à l'Espagne ?
|
Assertion, question
|
forcement ils sont pas contents
|
Acte traitant d'informations émises
(validation réception, réponse)
|
Propos par tour de parole
(François Hollande)
|
Actes interlocutifs
|
C'est toujours une confrontation entre deux
personnalités, euh l'élection présidentielle au second tour il n'en reste que
deux, euh et puis
|
Acte traitant d'une information émise
(réception, validation)
|
Deux projets ils y sont, chacun convient que le
projet de Nicolas Sarkozy est son bilan donc on il n'y a pas de mystère. Le
mien, c'est celui que j'ai présenté il y a déjà plusieurs mois. Je n'ai rien
caché; j'ai tout montré, tout démontré je l'espère. En tout cas tout évalué,
tout chiffré. Et puis il y a forcément le choix du prochain chef de l'état ça
compte. Je crois qu'on connaît beaucoup le caractère du candidat sortant. Le
mien il est apparu tout au long de ces derniers mois. C'est-à-dire euh à la
fois une ténacité, euh une volonté et puis aussi le sens euh d'une certaine
retenue. Je n'aurai pas les les excès les outrances du candidat sortant. Et
en même temps je sais décider.
|
Acte traitant d'une information émise
(réception + validation)
Acte informatif autonome
(assertion)
|
Contrairement à ce qu'il laisse entendre
|
Acte informatif autonome
(assertion)
|
D'abord décider c'est pas changer d'avis
continuellement. C'est euh concerter autant que nécessaire puis après tenir
son cape. Et c'est ce que je propose de faire. Moi j'ai toujours voulu
affirmer une cohérence une constance et il y a eu depuis cinq ans trop de zig
zag pour donner au candidat sortant le moindre bénéfice sur son expérience.
Ensuite sur l'autorité, c'est pas la brutalité l'autorité, c'est le respect
au contraire, c'est la confiance, et ça suppose qu'il y ait une certaine
élévation d'esprit. Certains soucis de rassembler, de réconcilier même les
français et en même temps de dire ce qui doit être fait. J'ai d'ailleurs
évoqué devant les français la nécessité d'un effort pour redresser les
comptes publics ou redresser l'industrie et cet effort doit être juste et
chacun l'aura compris, la justice doit être l'élément différenciant entre le
candidat sortant et ce que je suis
|
Acte traitant d'une information émise
(réception /désaccord)
|
pas
du tout çaaa
|
Acte traitant d'une information émise
(désaccord)
|
je trouve qu'il y a une un comportement de sa part
euh une espèce d'inquiétude qu'il essaye de transmettre mais sans penser que
si la gauche arrivait à travers moi ce serait l'effondrement du pays mais de
qui parle-t-il ? De quoi parle-t-il ? C'est euh nous qui avons creusé la
dette de 600 milliard d'euros ? C'est nous qui avons de déficit commercial
record de 70 milliard d'euros ? C'est nous qui avons plombé les compte de la
sécurité sociale ? aujourd’hui 10 milliards d'euros de déficit pour la
sécurité sociale rien que pour l'assurance maladie et puis donc euh sur la
croissance elle est nulle donc euh je n'ai aucune leçon de bonne gestion à
recevoir de Nicolas Sarkozy.
|
Acte traitant d'une information émise
(désaccord)
|
Vous
savez vu comment les espagnols ont réagi ? Vous pensez que
|
Acte sollicitant
(question)
|
vous pensez que c'est digne d'un candidat qui est
euh aujourd'hui encore président de dire que les espagnols ont un pays qui
servirait de contre-exemple. Enfin euh, moi je fais attention à ce que je
dis, je sais ce qu'il convient de de prononcer comme mot qui ne doivent pas
être blessant ni euh à l'égard du peuple français, ni à l'égard de nos
voisins.
|
Acte sollicitant
(question)
Acte traitant d'une information émise
(accord)
|
D'après ces tableaux, on constate que François
Hollande est en majorité sollicité par Arlette Chabot. Lorsqu'il répond aux
interventions de la journaliste, F. Hollande accepte les propos de la
journaliste. Il lui répond en présentant son accord ou désaccord avec les propos
soulevés. François Hollande rebondit aux informations traitées par la
journaliste d’Europe 1.
Arlette Chabot sollicite beaucoup le candidat. Par ce
biais, c'est elle qui dirige l'interview. Elle laisse malgré tout au candidat
une marge de liberté importante dans ses réponses avec le « vrai, faux ». Les questions sont
ainsi ouvertes. François Hollande peut dire les choses qui lui tiennent à cœur.
Cet extrait est essentiellement basé sur l'opposition
Nicolas Sarkozy vs François Hollande. C'est le moment pour ce dernier de
« régler ses comptes », rétablir la (sa ?) vérité. De cette manière
le candidat est libre de se mettre en avant et de faire campagne. Il n'y a pas
d'attaque, seulement des remarques, des interrogations de la part de la
journaliste. Dans ces interventions, il n'y a pas de conflit direct.
2.6. Les interventions
A/ Interventions non-problématisées
Dans
notre extrait sélectionné nous ne détectons pas d’interventions de ce
type ; en effet, notre choix de limitation de notre extrait n’inclue pas les
formules de politesse instituées au début de chaque rencontre ainsi qu’à la fin
des interviews telles les formules types « bonjour », « au
revoir », « merci » etc. Ces formules de préface ou de clôture
de la discussion sont bien présentes
mais externes à notre extrait choisi.
B/ Interventions problématisées
Les interventions problématisées se construisent autour d’échanges
thématiques sujets à la discussion entre plusieurs intervenants.
L’intervention directrice
Dans notre extrait, nous pouvons distinguer que la première question d'Arlette Chabot concerne l’hypothétique avenir du second tour peut se révéler être une intervention directrice. Dans sa question, elle s’appuie sur le passé en confirmant que c’est bien une seconde campagne « qui commence au lendemain du premier tour » tout en présentant l’axe d’analyse auquel elle aimerait que François Hollande se soumette. En précisant que la situation évolue aujourd’hui par ce morcellement de phrase : « cette fois-ci peut-être plus que dans les élections précédentes », elle incite en finalité sur le point qui l’intéresse plus particulièrement.
En
incitant le candidat à répondre hâtivement « c’est vrai ou c’est faux ? », elle le dirige vers cette observation
précédemment sous-jacente à savoir « ce
sera un affrontement entre deux hommes, deux tempéraments, deux caractères ».
Tout
en restant dans le thème principal de l’organisation de la campagne du second
tour-thème quelque peu anticipé : rappelons-nous qu’au jour de ce meeting
de Besançon le premier tour n’a pas encore eu lieu. La journaliste dirige son
interview dès le départ en se focalisant uniquement sur le duel tant attendu
par les médias à savoir François Hollande face au président sortant Nicolas Sarkozy. Cette concordance de
l’intervention découle explicitement du thème lancé qui correspond à la
préparation de campagne du second tour.
L’intervention de relance
L’intervention de relance
Relance
par reprise
Dans l’extrait qui nous intéresse, la réponse de François Hollande à la
première question d’Arlette Chabot peut trouver sa place au
sein des relances par reprise. En effet, suite à l’image de
« l’affrontement » que la journaliste souhaite développer, le
candidat socialiste continue sur cette lancée en se référant à une généralité.
Dans cette réponse, le candidat à l’élection suprême rend compte d’une généralité
historique où sous la Vème République le second tour a toujours été le lieu
d’une confrontation de deux candidats.
En
stipulant que l’élection présidentielle demeure en finalité « toujours une confrontation entre deux
personnalités », François Hollande confirme l’axe de réflexion soumis
par la journaliste en reprenant explicitement ce qui vient d’être
dit.
Relance par adjonction
Relance par adjonction
Toujours dans la continuité de notre échange entre
la journaliste d’Europe 1 et François Hollande, nous observons que suite à sa
courte réponse concentrée sur le fait que le second tour demeure un face à
face, Arlette Chabot l’interrompt en stipulant : « Mais vous pourriez dire aussi deux projets
quand même ». En incitant sur une notion émergente à ce dialogue à
savoir le « projet », elle innove tout en conservant la structure
originelle de sa première question focalisée sur cet axe du duel à venir entre
les deux favoris des sondages. L’initiative se ressent autour de cette
insertion terminologique nouvelle au sein de l’échange dans un souci d’approfondissement
de la réflexion.
La relance par changement de focalisation
La relance par changement de focalisation
Cette
relance implique systématiquement un changement d’axe tout en restant dans la
même thématique. Cette relance spécifique suppose une évolution réflexive au
sein de l’échange. Lorsqu’Arlette Chabot dit à son interlocuteur : « (…) vous parliez de caractère, de
tempérament, lui s’interroge à haute voix, doute de votre capacité à décider, à
affronter les événements (…) », nous constatons que, dans cette
optique, elle continue d’évoluer dans cette thématique du
« tempérament » ancrée depuis le début de la rencontre, mais innove
en dirigeant subtilement la réflexion sur les réactions de l’adversaire à son
encontre.
L’intervention réactive
L’intervention réactive
Succédant à une intervention antérieure, elle rentre dans un processus de surenchères. Les interventions portent les unes sur les
autres, de ce fait, la précédente intervention devient le support
sémantique de la suivante. Dans
notre extrait, lorsqu’Arlette Chabot énonce l’ironie supposée du candidat de
l’UMP à l’égard des hypothétiques prises de fonction de François Hollande, nous
découvrons qu’à la question : « quand
il ironise ça vous blesse ou pas ? », le candidat répond
instantanément « pas du tout ».
La réaction s’établit dans l’immédiateté et dans la simultanéité de la
réception.
L’intervention continuative
L’intervention continuative
Tout
comme l’intervention réactive, cette dernière n’est guidée par aucune
initiative thématique mais tente malgré tout de développer les échanges. Par
définition, elle se réfère comme une prise de parole reprenant voire
prolongeant une intervention non terminée. Les raisons de cette interruption
s’avèrent multiples et diverses comme par exemple le fait que l’interlocuteur
principal puisse être interrompu subitement par le journaliste.
Ce
qui la diffère des autres interventions est qu’elle est marquée par une
continuité syntaxique voire sémantique ; dès lors, elle ne peut pas
évoluer ni apparaître de manière totalement autonome. C’est une reprise simple
du même propos qui était en train d’être exposé, avant d’être momentanément
suspendu. Dans le dernier segment de notre extrait, nous découvrons une
authentique intervention continuative
« _ François
Hollande : Vous savez vu comment les
espagnols ont réagi. Vous pensez que …
_ Arlette
Chabot : Forcément ils ne sont pas
contents.
_ François
Hollande : …vous pensez que
c’est digne d’un candidat qui est encore aujourd’hui président …. ».
Coupé
par la journaliste, le candidat socialiste ne se déstabilise pas et continue
exactement là où il s’était arrêté ; nous observons la reprise du « vous pensez que » lors du
prolongement de son intervention.
L’intervention saltatoire
L’intervention saltatoire
N’apportant,
tout comme les deux précédentes, aucune initiative thématique, cette
intervention peut être définie comme étanttransgressive de par
l’ignorance et le délaissement de l’intervention qui la précède. A ce moment
précis, elle aura pour objectif d’apporter des modifications purement
informationnelles. Le candidat socialiste restera tout au long de l’échange sur
ses positions. Elle n’a pas pour objectif de remettre en cause tout le discours
qui a été précédemment exposé lors de l’échange.
En
ce qui concerne notre extrait, la cordialité observée tout au long de cet
échange n’amène pas à la transgressivité, et de ce
fait ne permet pas à la dispute de s’installer. François Hollande reste dans
les convictions qui l’habitent mais est également attentif aux réactions et
interrogations de la journaliste d’Europe 1. L’ignorance des propos de l’autre
est absente de cet échange.
2.7. Classification des actes de paroles
Actes
de la parole dominants de la sphère de l’information
L’acte
résidant au sein de cette sphère se décrit comme un acte qui, par le biais de
la parole, vise à décrire voire à définir des objets issus du monde, toujours
de manière non-évaluative. Beaucoup d’actes se réunissent au sein de cette
sphère informationnelle tels « amplifier », « informer », « citer »
ou encore « expliciter ».
Suite
à la rectification de la question initiale posée par Arlette Chabot, concernant
les deux tempéraments suivis de la confrontation de deux projets, le candidat
socialiste répond : « Deux
projets, ils y sont, chacun en convient que le projet de Nicolas Sarkozy est
son bilan donc il n’y a pas de mystère. Le mien, c’est celui que j’ai présenté
il y a plusieurs mois ». Suite à cette intervention directrice de la
journaliste d’Europe 1, la réponse informative de François Hollande se concentre
sur une confirmation indiscutable de l’existence de deux projets présidentiels.
Il explicite que le projet du président sortant demeure le bilan de son action
politique lors de son mandat, alors qu’il rappelle que son projet personnel
existe depuis plusieurs mois. Néanmoins, nous observons une explication dans ces deux phrases, le segment « il n’y a pas de mystère » évolue dans la sphère
explicative et nous allons découvrir les raisons.
Actes de la parole dominants de la sphère de l’évaluation
Actes de la parole dominants de la sphère de l’évaluation
Contrairement
à la première sphère qui se concentre uniquement sur la divulgation d’une
information, cette deuxième sphère prévoit de faire part d’un commentaire
subjectif, soit de donner son avis sur une information. La subtilité de cette
sphère réside dans le cheminement des paroles où une information peut se
révéler, après analyse, être un avis personnel. L’acte explicatif s’articule
autour d’un jugement de valeur où l’objectif est de prendre explicitement
position, évaluer, critiquer ou encore valider.
L’utilisation
du pronom personnel « je » implique systématiquement la prise de
position. François Hollande l’emploie à de multiples reprises suite aux
informations qu’il a divulgué précédemment concernant son programme. En
affirmant : « Je n’ai rien à
cacher, j’ai tout montré, tout démontré je l’espère. En tout cas, tout évalué,
tout chiffré… », François Hollande s’accrédite premièrement d’une
crédibilité avec la conformité des chiffres de son hypothétique action
politique à venir, mais également d’une légitimité face au candidat sortant, en
se comparant ouvertement à lui. Il marque sa position face à son adversaire
UMP.
Actes de parole dominants de la sphère de l’interaction
Actes de parole dominants de la sphère de l’interaction
Sphère
omniprésente au sein des débats médiatiques, ses actes renvoient au principe de
la collaboration entre les différentes identités qui animent le débat en
question. Ces actes se regroupent autour des verbes tels que « complimenter »,
« reconnaitre », « s’excuser », « contester » ou
encore « blâmer ». Tous portent aussitôt sur les propos ou les
qualités de l’interlocuteur en question.
Ici,
dans un exemple choisi nous constatons une quasi compassion de la part de la
journaliste d’Europe 1 à l’égard du candidat socialiste. Même si le candidat
refuse de se confier sur son état d’esprit face aux attaques émises par son
adversaire politique, la journaliste persévère malgré tout en tentant de lui
faire reconnaître ou admettre que cela le touche personnellement.
« _Arlette
Chabot : Mais quand il ironise ça
vous blesse ou pas ?
_ François
Hollande : pas du tout …
_ Arlette
Chabot : Vous encaissez …
_ François
Hollande : Je trouve qu’il y a un
comportement de sa part… ».
Les actes de parole dominants de la sphère contractuelle
Tout
acte de parole recensé dans cette sphère a une fonction de gestion et de régulation
de la communication avec des verbes tels qu’« inciter »,
« exhorter » ou « déclarer ».
Lorsque
François Hollande s’insurge contre le bilan de son adversaire, « c’est nous qui avons creusé la dette de 600
milliards d’euros ? C’est nous qui avons le déficit commercial record de
70 milliards d’euros ? ». L’objectif principal est que cette déclaration devienne
acte de foi en dénonçant le travail qui a été accompli. Par cette
multi-utilisation du pronom personnel « nous », cela insiste sur le
fait que ce n’est pas uniquement l’engagement mené par le parti
socialiste.
Les actes de paroles dominants la sphère actionnelle
Les actes de paroles dominants la sphère actionnelle
Cette
sphère s’avère très pertinente et présente dans un contexte qui est le notre aujourd’hui,
à savoir l’élection présidentielle. Ici, le langage se matérialise comme action, l’acte de parole fait état de l’action. Dans
le tumulte de la campagne présidentielle, les citoyens évoluent pleinement dans
la sphère actionnelle. Les actes de parole recensés ici visent à la
proposition, à l’incitation, à l’action, à l’engagement ou encore à la
déclaration. Nous découvrons, que d’une manière générale, tous ces actes de
paroles sont éminemment choyés par les candidats à la présidentielle.
Nous
nous appuierons sur la dernière intervention du candidat interrogé :
« Vous pensez que c’est digne d’un
candidat qui est euh aujourd’hui encore président de dire que les espagnols ont
un pays qui servirait de contre-exemple. Enfin, euh, moi je fais attention à ce
que je dis. Je sais ce qu’il convient de de prononcer comme mots qui ne doivent
pas être blessants ni euh à l’égard des français, ni à l’égard de nos voisins ».
Il
tente de démontrer qu’irrémédiablement la situation évoluera, et que certains
problèmes seront résolus si les français lui en donnent mandat.
Conclusion
En
confrontant nos résultats aux autres études effectuées, nous constatons une,
voire des similitudes. Si nous nous référons premièrement aux conclusions
émises par les autres groupes de recherche étudiant le programme d’Arlette
Chabot sur Europe 1, nous constatons tous ensemble que la journaliste adopte la
même position et attitude quel que soit l’invité politique qui se trouve en
face d’elle. Considérée comme une véritable star médiatique, l’auditeur connait
au fil des années le processus d’interview de la journaliste : aucune
surprise ou événement ne se passera sur cette antenne. Ce n'est pas émission où l’objectif principal demeure la révélation d’éléments
cachés, nous sommes au contraire dans de la divulgation simple
d’informations que le public attend sans surprise. Que ce soit face à Marine Le
Pen ou encore Jean-Luc Mélenchon, la journaliste ne bouscule pas son
interlocuteur. Elle lui laisse toute la place en lui accordant allègrement la
parole sans prendre le risque de le couper irrespectueusement. Nous constatons
de ce fait que la station Europe 1 reste un lieu sans danger pour les politiques
qui peuvent parler sans retenue.
François Hollande ne fait pas
acte de révélation dans cet extrait, il reste sur ses positions et atteste que
ses convictions et ses choix à venir se révèlent à l’opposé de ceux de son
adversaire principal de l’UMP.
En
ce qui concerne le candidat socialiste François Hollande, nous concluons à
l’issue de la rencontre avec tous les groupes l’ayant étudié, que ce dernier
est libre de tout acte de parole sur toutes les stations confondues. Que ce
soit sur RTL, face à Jean-Michel Apathie, ou encore sur RMC, avec Jean-Jacques
Bourdin, le candidat n’est en aucun cas bousculé par des questions qui
pourraient être importunes ou fâcheuses. Le fait que le candidat socialiste se maintienne dans le haut des sondages depuis des
mois, marque incontestablement les interviews de chacun. Si ce dernier conserve
sa position de favori et se voit investit de la fonction suprême, mieux vaut ne
pas trop ébranler le futur pouvoir. Cette hypothèse d’investiture conforte les
journalistes dans leur posture de « divulgateur d’informations » et
non « d’investigateur de fond ».
Annexe : Retranscription de l’émission d’Arlette Chabot sur Europe 1 avec François Hollande
A. C : Vous dites c'est pas une autre campagne qui commence
au lendemain du premier tour euh et pourtant on a l'impression que cette fois
peut-être plus que dans les élections précédentes ce sera un affrontement entre
deux hommes, deux tempéraments, deux caractères, c'est vrai ou c'est faux ?
F. H : C'est toujours une confrontation entre deux
personnalités, euh l'élection présidentielle au second tour il n'en reste que
deux, euh et puis
A.C : Mais vous pourriez dire aussi deux projets quand même
F. H : Deux projets ils y sont, chacun convient que le projet
de Nicolas Sarkozy est son bilan donc on il n'y a pas de mystère. Le mien,
c'est celui que j'ai présenté il y a déjà plusieurs mois. Je n'ai rien caché;
j'ai tout montré, tout démontré je l'espère. En tout cas tout évalué, tout
chiffré. Et puis il y a forcément le choix du prochain chef de l'état ça
compte. Je crois qu'on connaît beaucoup le caractère du candidat sortant. Le
mien il est apparu tout au long de ces derniers mois. C'est-à-dire euh à la
fois une ténacité, euh une volonté et puis aussi le sens euh d'une certaine
retenue. Je n'aurai pas les les excès les outrances du candidat sortant. Et en
même temps je sais décider.
A. C : Ouais
F. H : Contrairement à ce qu'il laisse entendre
A.C : J'allais j'allais vous poser cette question,
c'est-à-dire que vous parliez de caractère de tempérament, lui euh s'interroge
à haute voix, doute de votre capacité à décider euh à affronter euh les
évènements et votre rapport à l'autorité serait flou. Vrai, faux ?
F. H : D'abord décider c'est pas changer d'avis
continuellement. C'est euh concerter autant que nécessaire puis après tenir son
cape. Et c'est ce que je propose de faire. Moi j'ai toujours voulu affirmer une
cohérence une constance et il y a eu depuis cinq ans trop de zig zag pour
donner au candidat sortant le moindre bénéfice sur son expérience. Ensuite sur
l'autorité, c'est pas la brutalité l'autorité, c'est le respect au contraire,
c'est la confiance, et ça suppose qu'il y ait une certaine élévation d'esprit.
Certains soucis de rassembler, de réconcilier même les français et en même
temps de dire ce qui doit être fait.
J'ai d'ailleurs évoqué devant les français la nécessité d'un
effort pour redresser les comptes publics ou redresser l'industrie et cet
effort doit être juste et chacun l'aura compris, la justice doit être l'élément
différenciant entre le candidat sortant et ce que je suis
A. C : Mmhh, mais quand il ironise ça vous blesse ou pas ?
F. H : Pas du tout çaaa
A. C : Vous encaissez...
F. H : Je trouve qu'il y a une un comportement de sa part euh
une espèce d'inquiétude qu'il essaye de transmettre mais sans penser que si la
gauche arrivait à travers moi ce serait l'effondrement du pays mais de qui
parle-t-il ? De quoi parle-t-il ? C'est euh nous qui avons creusé la dette de
600 milliard d'euros ? C'est nous qui avons de déficit commercial record de 70
milliard d'euros ? C'est nous qui avons plombé les compte de la sécurité
sociale ? Aujourd’hui 10 milliards d'euros de déficit pour la sécurité
sociale rien que pour l'assurance maladie et puis donc euh sur la croissance
elle est nulle donc euh je n'ai aucune leçon de bonne gestion à recevoir de
Nicolas Sarkozy.
A. C : Quand vous entendez que si vous arrivez au pouvoir la
France ressemblera bientôt à la Grèce ou à l'Espagne ?
F. H : Vous avez vu comment les espagnols ont réagi ? Vous
pensez que
A. C : Forcément ils sont pas contents
F. H : Vous pensez que c'est digne d'un candidat qui est euh
aujourd'hui encore président de dire que les espagnols ont un pays qui
servirait de contre-exemple. Enfin euh, moi je fais attention à ce que je dis,
je sais ce qu'il convient de de prononcer comme mot qui ne doivent pas être
blessant ni euh à l'égard du peuple français, ni à l'égard de nos voisins.