Jean-Michel Aphatie et François Hollande 2




1. Retranscription de l’interview de François Hollande par Jean Michel Apathie sur RTL, le 4 avril 2012.

JMA : Bonjour François Hollande,
FH : Bonjour, 
JMA : Vous rendez vous public ce matin le calendrier des actions que vous mèneriez pendant la première année de votre mandat présidentiel, si vous obtenez ce mandat le 6 mai prochain par le peuple français… Pourquoi rendez vous public ce calendrier très détaillé de votre première année ?
FH : Moi j’ai 3 principes : la cohérence, j’ai présenté mes propositions il y a maintenant plusieurs mois, j’ai à dire comment elles se mettraient en œuvre ; la clarté parce que les français veulent savoir ce qui va se passer dans les premières semaines de l’action du nouveau président ; et enfin la rapidité parce qu’il n ‘y a pas de temps à perdre, l’état de nos finances publiques, l’état de notre économie ,le niveau du chômage, le pouvoir d’achat, les français veulent des décisions rapides et précises.
JMA : Pourtant, vous le détaillez dans ce document, que ceux qui le souhaitent pourront retrouver sur votre site internet, vous allez commencer par dépenser puisque vous annoncez tout de suite un décret : 25 % d’augmentation de l’entrée de rentrée scolaire, la retraite à 60 ans pour les personnes ayant commencés à travailler à 18 ans et qui ont cotisés 41 années, dans le contexte actuel, est ce que c’est raisonnable de faire tout cela ?
FH : Il y a 3 temps pour un seul mouvement : le changement. Le premier temps, c’est d’abord l’exemplarité au sommet de l’Etat, le président de la république, les membres du gouvernement réduiront  leur rémunération de 30% et il y  aura aussi une charte de déontologie pour résoudre tout conflit d’intérêt entre un membre du gouvernement et une participation à je ne sais quelle entreprise privée. Deuxième point,  il y a ce mouvement, effectivement, qui doit être donné en terme de pouvoir d’achat, immédiatement, pour les familles, l’allocation de rentrée scolaire, un droit qui doit être rétabli celui pour ceux qui ont leur annuité de pouvoir partir à 60 ans à taux plein, uniquement ceux la. Mais le deuxième temps c’est celui de rétablissement de nos finances publiques, ce deuxième temps il commence avec la convocation du nouveau parlement puisque ce sera à partir de la fin du mois de juin, l’assemblée nationale ayant été renouvelée que je pourrais engager 3 réformes : la réforme de nos finances publiques, la loi de programmation, pour rétablir l’équilibre des comptes à la fin 2017, la réforme fiscale, indispensable pour la justice et pour avoir un certain nombre de recettes supplémentaires et enfin, la réforme bancaire parce qu’elle elle nécessaire si nous voulons accompagner le mouvement de reprise de l’économie.
JMA : Lors de cette session extraordinaire, vous le dites, vous procéderez à la réforme fiscale et vous précisez dans le document que vous publiez ce matin, que sera créé là, la tranche d’imposition à 75% au dessus d’1 million d’euros, dont on a beaucoup parlé et qui a été l’un des temps forts de votre campagne quand vous l’avez annoncé. Le Figaro d’hier, a publié le palmarès des acteurs les mieux payés en France, et l’acteur qui est le mieux payé, c’est Dany Boon, qui l’an dernier, grâce à son film « Rien à déclarer » dont il est scénariste, réalisateur, producteur et acteur va déclarer au fisc 7 millions et demi de revenus et j’ai fait le compte, avec cette tranche d’imposition de 75%, sur la somme qu’il gagne, l’état prélèverait 4 millions 800 000 euros. Est ce légitime, est-ce juste ? Suffit-il d’être élu pour prendre autant d’argent à quelqu’un qui par son talent a crée ce revenu ?
FH : Mais je ne conteste pas le talent, il doit être récompensé. Est ce qu’il doit être sans limites ? Est ce qu’à un moment il n’y a pas un effort à faire ? Y compris pour les personnes qui gagnent 7 millions d’euros ? Et j’en suis heureux pour eux, et je pense que ca donne aussi du plaisir au Français que d’avoir des acteurs, des créateurs mais en même temps, nous sommes dans un moment très difficile, vous même, vous nous rappelez les exigences de la dette publique, des réformes qu’il convient de faire, et bien chacun doit montrer un effort, j’appelle ca le patriotisme. Il y a un moment où on demande aux salariés de faire un certain nombre de sacrifices, où on demande aux français de payer davantage. Moi, je refuse la TVA sociale, enfin, il leur a été demandé 40 taxes depuis 5 ans, donc il est bien légitime aussi de demander à ceux qui ont le plus, de participer davantage à l’effort de redressement.
JMA : Vous disiez en présentant cette mesure le 28 février des 75% : « ce que je n’accepte pas, c’est la richesse indécente, ce sont des rémunérations qui n’ont pas de rapport avec le talent, l’intelligence ou l’effort ». La rémunération de Dany Boon a à voir avec l’intelligence et l’effort ?
FH : Il peut faire un film où il va effectivement gagner beaucoup, peut être d’autres où il ne gagnera pas grand chose, donc il y a des possibilités d’étalement, chacun le sait, pour les artistes, pour les sportifs, donc il n’y a pas ici à faire une mesure particulière. Ce que je veux quand même, c’est m’adresser au plus grand nombre, ce qu’ils doivent comprendre, ceux qui m’écoutent, c’est que nous allons agir vite, et en cohérence. C’est que nous allons éviter ce qui s’est passé depuis 5 ans, c’est à dire la virevolte, l’inconstance, prendre une mesure et puis la changer au bout de quelques mois, multiplier les lois. Je veux qu’il y ait des réformes rapides sur le pouvoir d’achat, j’ai évoqué l’allocation de rentrée scolaire, l’indexation du livret A, la caution solidaire pour les jeunes qui parviendront ainsi à accéder à un logement. Je veux aussi qu’il y ait des réformes qui permettent de donner une perspective, notamment en matière d’emploi, ce sont les emplois d’avenir qui seront crées, donc, dès la rentrée de septembre 2012, et le contrat de génération qui aura été discuté avec les partenaires sociaux, parce que j’ai aussi une méthode et elle apparait dans cet agenda. C’est que sur des réformes comme la décentralisation avec les élus locaux que ce soit sur la démocratie sociale, le contrat de génération, la souffrance au travail, mieux vaut respecter les partenaires et notamment les syndicats et ne pas les mépriser.
JMA : Une opération de police est en cours, François Hollande, pour arrêter des islamistes radicaux. Approuvez vous cette fermeté des pouvoirs publics ? Que l’on voit tous les jours, maintenant, puisque cette opération fait suite à d’autres concernant l’islamisme radical en France ?
FH : Bah, si il y a des soupçons, s’il y a des risques, ils doivent être conjurés. Ce qui peut surprendre, c’est pourquoi le faire après un acte terroriste qui a, c’est vrai, profondément affecté les esprits donc moi, je ne mets pas cause du tout ce qui se fait. Ce que je dis simplement, c’est que nous aurions dû, pu faire davantage avant.
JMA : Vous pensez qu’il y a un lien entre l’élection et les actions de police…?
FH : Je n’ai pas dit ca. Je dis qu’il convient d’agir toujours en prévention. Ca doit être le cas, et ce qui pouvait être fait il y a encore quelques mois aurait dû sans doute être fait.
JMA : Nicolas Sarkozy…
FH :… Nous verrons bien à travers des enquêtes qui seront menées le moment venu.
JMA : Nicolas Sarkozy vous reproche une phrase que vous avez eu à son égard : « Maintenant on va le taper », vous…
FH : Ecoutez moi je vais pas…
JMA : c’était une phrase off ? Vous l’assumez publiquement ?
FH : Non, je n’ai pas dit cela de cette façon, mais enfin c’est pas lui qui va me faire le moindre reproche de ce point de vue. Vous vous rappelez de ce qu’il a dit et qu’il a maintenu devant un journaliste ?
JMA : Non. Allez-y.
FH : « Nul »… « Je vais l’exploser »… Ecoutez, je ne vais pas rentrer, moi, dans ce débat de cour de recréation, je le lui laisse, c’est sa place.
JMA : François Hollande, candidat à l’élection présidentielle était l’invité de RTL ce matin, bonne journée.
2. La grille d’analyse




Jean Michel Aphatie


François Hollande

Rôles


Journaliste politique incisif


Invité - Candidat socialiste à la présidentielle


Problématisation
de l'animateur


Questions sur : - Le calendrier de son programme - Vs allez commencer par dépenser ? (retraite- education) - la création de la tranche d’imposition à 75% au dessus de 1 million - illustration avec l'exemple de Dany Boon – reprise de citation de Hollande sur la "richesse indécente" - l'opération de police en cours pour arrêter les fondamentaux de l’islamise radical – Vous pensez qu’il y a un lien être l’élection et les actions de police ? - Nicolas Sarkozy vous reproche la phrase off « maintenant on va le tapper » vous assumez?


Visées discursives


Interroger, déranger


Répondre aux questions d’Aphatie, appuyer et justifier son point de vue et ses projets
sereinement


Finalités


Questionner Hollande sur des sujets d’actualités et chercher à le déstabiliser avec des questions « virulentes », « engagées », jouer son rôle de journaliste « mordant » pour énerver le candidat, le pousser à l’erreur pour obtenir le scoop.


Légitimer sa candidature, asseoir sa notoriété, montrer son point de vue sur l’actualité, présenter son programme, convaincre les auditeurs afin d'être élu


Orientations discursives : égocentré ou hétérocentré


discours hétérocentré


discours majoritairement hétérocentré mais égocentré à quelques reprises


Orientations discursives :
narratif ou explicatif


explicatif et narratif


explicatif et narratif


Principes


Emission politique, sérieux, réalité, vérité


Relations verticales


Très distantes




Relations horizontales


Aphatie domine l’interview, il a le pouvoir sur la parole et l'orientation du discours d’Hollande.



Coopératif ou conflictuel


Coopérativement conflictuel

Temps de parole


Interventions régulières majoritairement courtes et vives


Longues explications


Nombre de prises de parole


7 prises de parole 7 questions, 7 réponses


Types de prises de parole : prenant sollicité, autorisé


Prenant


Prenant
 sollicité

Dimensions dominantes du discours :
ethos, logos, pathos?


Logos +++


ethos +++, logos ++, pathos +


Actes informatifs autonomes :
assertions



+



++


Actes sollicitants :
questions/réponses


Aphatie ++ , il questionne Hollande et oriente l’interview, Hollande se contente de répondre -


Actes sollicitants :
demande de validation/validation + accord/désaccord



Les acteurs ne cherchent pas la validation, l’accord de l’un ou de l’autre. Le ton d’aphatie laisse penser une forme de désaccord (à relativiser)







Actes traitant d'info. déjà émises :
validation, réception, itération, accord, désaccord








+/-











++

Actes gérant la rencontre + prise de contact


Jeu de contradiction entre les questions orientées et déstabilisantes et les réponses justifiées du candidat socialiste. Ton reste relativement calme


Interventions problématisées directrices



+++ (lance 5 sujets)



- position de suiveur


Interventions problématisées de relance par reprise


Rares mais égalitaires
+/-




+/-


Interventions problématisées de relance par adjonction




++



--

Interventions problématisées de relance par changement de focalisation




++



-

Interventions réactives


+

+++

Interventions continuatives


+/-

+/-

Interventions saltatoires


-

-

Interventions non problématisées


+

+

actes de parole dominants de la sphère de l'information



++


+

actes de parole dominants de la sphère de l'évaluation



+


++

actes de parole dominants de la sphère de l'interaction



+


+/-

actes de parole dominants de la sphère contractuelle



+


+

actes de parole dominants de la sphère actionnelle



-


+



Synthèse

Interview organisée (questions/ réponses), distribution de la parole bien établie, forte distance entre les protagonistes, le ton moqueur et incisif d’Aphatie réussi cependant à énerver Hollande.
Aphatie se montre relativement distant et n'émet aucun point de vue, il argumente et relance par des citations ou informations extérieures. Hollande se montre relativement serein lui offrant la possibilité d'asseoir son projet présidentiel.




3. Analyse du tableau

« L’invité de RTL » est une chronique se déroulant entre 7h50 et 8h00 sur l’antenne de RTL, présenté par Jean-Michel Aphatie, journaliste politique connu pour son côté provocateur l’émission a pour but d’éclairer les auditeurs sur des sujets politiques et de l’actualité. Jean-Michel Aphatie reçoit quotidiennement des politiques qui font les frais d’une interview redoutable. Nous analyserons l’interview du candidat socialiste à l’élection présidentielle : François Hollande. Dans cette interview politique en date du 3 avril 2012, le journaliste interroge son invité, François Hollande sur le calendrier que ce dernier a rendu public renfermant les actions qu’il mènera durant la première année de son mandat si toutefois le candidat à l’élection présidentielle est élu. Après cette mise en contexte  de l’interview, dans cette partie nous effectuerons une analyse du discours médiatique poussée de la séquence en elle-même.

Comme nous l’avons évoqué, l’émission chaperonnée par Jean-Michel Aphatie est une émission d’actualité où l’interviewer politique qui officie sur l’antenne de RTL reçoit quotidiennement des personnalités du monde politiques, des économistes tout comme d’autres personnalités influentes et leaders d’opinion.

Le ton de l’émission est sérieux. En tant qu’interview politique, le sérieux est bien évidemment de rigueur autant pour Jean-Michel Aphatie que pour l’invité, François Hollande. La chronique « L’invité de RTL » est basée sur un principe de vérité et de réalité indispensable pour les auditeurs, afin de légitimer ce type d’émissions politiques et y croire. L’invité est interrogé sur son futur programme, un sujet réel et d’actualité car le premier tour de l’élection présidentielle se trouvait dans moins de 20 jours. En effet, le premier tour s’est tenu le 22 avril. Jean-Michel Aphati et François Hollande débattent sur un sujet bien réel car ce calendrier d’actions rendu public par le candidat aura des possibilités d’être réalisé si ce dernier est élu.

Nous analyserons la manière dont l’animateur et l’invité co-construisent la mise en scène d’un discours sur la France.
Tout d’abord nous qualifierons les rôles de chacun des deux hommes.
« Le rôle est un modèle d’action préétabli que l’on développe lors d’une interaction » Goffman.
En effet, Jean-Michel Aphatie et son invité, François Hollande, candidat à la présidentielle sont en représentation médiatique et il est indispensable que chacun ne perdent pas la face.

Les rôles

Le rôle de l’interviewer, Jean-Michel Aphatie est de justifier sa légitimité et ses compétences de journaliste expert en questions politiques. Il endosse son rôle de journaliste politique incisif et provocant.
François Hollande se présente en tant que candidat à l’élection présidentielle, invité de l’émission de RTL il positionne en politique et en expert de la situation et de son calendrier d’actions. François Hollande doit répondre aux questions pointues de Jean-Michel Aphatie, afin de convaincre, légitimer sa candidature au poste de président de la République et justifier son invitation sur le plateau de RTL. Le candidat socialiste doit répondre de manière précise et concrète.
 Jean-Michel Aphatie tout comme Hollande sont des experts dans leur domaine, l’animateur est un journaliste politique et François Hollande, une personnalité politique candidate à la présidentielle.

Les finalités

Les finalités des deux hommes sont très différentes. Le candidat socialiste à l’élection présidentielle a un but et une finalité très précise : être élu, devenir le président des Français et le Chef de l’Etat. Pour cela le but de son passage à l’antenne de RTL est de légitimer sa candidature, asseoir sa notoriété, montrer son point de vue sur l’actualité, présenter et argumenter son calendrier d’actions et son programme et bien sûr convaincre les auditeurs afin qu’il vote pour lui. François Hollande cherche à informer les auditeurs de RTL sur son programme et sur sa candidature. En passant à la radio, le candidat socialiste se médiatise.
Jean-Michel Aphatie joue son rôle de journaliste provocateur et n’hésite pas à titiller le candidat socialiste, à le provoquer et le déstabiliser afin qu’il sorte de ses gonds. L’animateur se montre virulent,  quelque peu agressif et sec. Il adopte cette stratégie afin de « divertir » et de ne pas rendre l’interview trop « mou » et trop « gentillet ». Le journaliste interview ses invités toujours de la même façon et les loge tous à la même enseigne.

La préoccupation première et ultime du journaliste politique et animateur de « L’invité de RTL » est de faire de l’audience. En effet, réaliser de bons scores d’audience est indispensable à la radio afin d’assoir leur notoriété. Le rôle du journaliste est déterminant car c’est lui qui est responsable du succès ou de l’échec de l’émission. Aphatie cherche le scoop et à « faire le buzz » afin de faire de l’audience.
JM Aphatie doit s’imprégner des sujets d’actualité qu’il traite et sur lesquels il questionne François Hollande, dans son émission. L’animateur a également pour but d’éclairer les auditeurs sur le calendrier d’actions du candidat en lui posant des questions pointues afin de le mettre en position de faiblesse et de le déstabiliser.

Les visées discursives 

François Hollande use de multiples procédés que l’on qualifie de visées discursives afin de réussir son interview et de répondre de manière complète et satisfaisante aux questions incisives de Jean-Michel Aphatie. Il doit convaincre les auditeurs. En effet, il utilise l’explication. Il débute il l’interview avec un enchainement construit de ses idées « j’ai trois principes la cohérence (…), la clarté (…) et enfin la rapidité (…) ». Cette façon de procéder nous rappelle celle de son passage en du 12/12/11 à la même émission où le candidat socialiste avait également utilisé un enchainement construit d’idées « premièrement » (…) deuxièmement (…) enfin ».
Face aux attaques du journaliste, François Hollande utilise la défense, la justification, l’explication. Il introduit des formules phases et faciles à intégrer « Il a trois temps pour un seul mouvement, le changement ».
Il évoque trois réformes, «  la réforme de nos finances publiques (…), la réforme fiscale, (…), et enfin  la réforme bancaire ».

François Hollande répond aux attaques et aux provocations du journaliste, il défend ses idées, son programme, son calendrier d’actions en vue de sa finalité ultime : être élu et devenir président. Tout cela dans la plus grande sérénité. Le candidat socialiste utilise le contrat d’explication et d’information dans cet échange médiatisé.
Il n’hésite pas à recentrer l’interview lorsqu’il voit, peut-être, que ce dernier lui échappe « Ce que je veux quand même c’est m’adresser au plus grand nombre, ce qu’il doive comprendre ce qui m’écoute c’est que nous allons agir vite et en cohérence, nous allons éviter ce qui s’est passé depuis cinq ans ». On comprend ici que François Hollande se met en nette opposition avec son adversaire direct Nicolas Sarkozy en critiquant et attaquant son bilan. « virevolte », « inconstance », « multiplier les lois ».

Suite à la dernière attaque du journaliste politique sur la phrase qu’il aurait prononcé à l’encontre de Nicolas Sarkozy, François Hollande utilise l’arme de la défense et de la justification en expliquant que son adversaire aurait également proféré des phrases scandaleuses à son sujet « nul », « je vais l’exploser ».

Jean-Michel Apathie pour arriver à sa finalité interroge le candidat socialiste tout en affinant et affutant ses questions tout au long de l’interview. Une fois que François Hollande à détailler ses trois principes, le journaliste attaque directement en lui disant « Vous allez commencer par dépenser ». Jean-Michel Apathie provoque son invité.
Puis il est dans une visée explicative en détaillant le programme de François Hollande afin que les auditeurs puissent y voir plus clair. Il évoque « la retraite à 60 ans, les 25% d’augmentation des allocations de rentrées scolaires ».
Aphatie continue d’attaquer et de provoquer en évoquant le fait que le candidat veille créer  une tranche d’imposition à 75% au dessus de 1 million. Il illustre ses propos avec l’exemple de Dany Boon qui est l’acteur le mieux payé.
Jean-Michel Aphatie évoque la phrase « choc » de François Hollande qui n’a pas plu à Nicolas Sarkozy « Maintenant on va le taper ». Le journaliste dérange et chercher de la part du candidat socialiste une réponse exclusive.
 En effet, en tant que journaliste politique il questionne François Hollande sur des points pertinents et très précis afin de le déstabiliser. Il effectue son travail de journaliste et ne s’attache pas à poser les questions les plus « gentilles ». Jean-Michel Apathie doit poser les bonnes questions, celles qui vont intéresser les auditeurs. En effet, ces derniers attendent des réponses précises, claires et compréhensives de la part du candidat.
Il n’hésite pas à reprendre des citations du candidat « richesse indécente » afin d’informer les auditeurs. Les visées discursives de l’animateur sont, en plus, de poser des questions, déranger le candidat, il cherche à obtenir des informations insolites ou exclusives qui le conférèrent dans son statut de journaliste compétent et brillant. 
En effet, montrer qu’il est en avance sur les autres journalistes en ayant les principaux personnages de la scène politique, et à travers son interview, pouvoir se démarquer des autres journalistes politiques. Le contrat d’information est également pris en charge par Aphatie, le journaliste à un savoir d’expert en questions politiques et le donne, le divulgue à ceux qui ne savent pas, à savoir les auditeurs-citoyens de RTL.

Orientations discursives

La réflexion et la connaissance du monde sont exprimées à travers cette interview politique. Le discours est hétérocentré et explicatif de la part de Jean-Michel Apathie. Les orientations discursives étant liées à la finalité, le journaliste qui a pour but d’informer et de d’éclairer les auditeurs sur l’actualité et le programme du candidat socialiste ne peut qu’arborer un discours hétérocentré.
François Hollande en tant que candidat à la présidentielle arbore également un discours hétérocentré où il annonce ses futures réformes pour la France.
Les deux participants discutent, débattent de sujets d’actualité (la retraite, l’éducation, l’islamisme). Le journaliste fait de l’actualité la problématique et les thèmes phares de son interview. Leurs discours sont à la fois narratifs et explicatifs. En effet, Aphatie raconte des évènements afin d’informer les auditeurs. On peut citer l’exemple de la phrase off lancée à Nicolas Sarkozy. François Holland rétorque et utilise l’explication afin de « rétablir la vérité » sur ses propos. Il est constamment dans l’explication car il se doit d’être clair et précis afin de séduire et de sensibiliser les auditeurs à son programme présidentiel.
Cependant, dans la deuxième partie de l’interview, François Hollande autocentre son discours en utilisant la première personne « je ne conteste pas le talent » lorsqu’Aphatie l’attaque sur ses propos sur la taxe des fortunes. « J’appelle ça le patriotisme », « Je refuse la TVA sociale », « ce que je veux quand même, c’est adresser au plus grand nombre (…)». Il continue à utiliser la première personne dans sa dernière intervention sur la phrase off polémique. François Hollande se positionne comme un homme singulier qui se présente à l’élection présidentielle. Il adopte le même procédé qu’à son passage à la même émission le 12/12/11.

Les tours de paroles

Nous analysons à présent les tours de parole des protagonistes.
Jean-Michel Aphatie pose les questions, ses interventions sont courtes, vives et régulières car c’est lui qui mène et domine l’interview. François Hollande se contente de répondre en donnant de longues explications. Les tours de parole tout comme les temps de parole sont relativement égaux. Les auditeurs ont à faire à un format classique d’interview type « question /réponse ». Dès que François Hollande a fini de répondre, Aphatie rebondit directement et relance l’interview avec la question suivante.

Jean-Michel Aphatie a le pouvoir sur la parole, en tant que journaliste c’est lui qui donne la parole à François Hollande et par la même occasion oriente le discours. Par ses questions, le journaliste, décide des sujets que François Hollande abordera. Les prises de parole de l’animateur sont prenantes et confirment son statut.

Malgré le fait qu’il tienne les rênes de l’interview, il laisse le candidat à la présidentielle, François Hollande s’expliquer, il attend que ce dernier termine son propos et renchérit par la suite. Il ne le coupe pas. François Hollande a la possibilité de développer son programme et son calendrier d’actions en détails. Ses prises de parole sont sollicitées mais également prenantes car ses réponses sont longues et organisées.

A l’évocation de phrase off « polémique » de François Hollande à l’encontre de Nicolas Sarkozy, le candidat socialiste coupe la parole de Jean-Michel Aphatie. En visionnant attentivement la vidéo sur le site internet de RTL, on peut voir apparaitre la main du journaliste, une donnée visuelle qui montre son besoin d’intervenir, de couper François
Hollande afin de terminer sa question.

Nous avons établit au nombre de 7, les prises de parole, les questions de Jean-Michel Aphatie, et les réponses de l’invité, François Hollande. On en conclut une équité parfaite entre les deux protagonistes. Les deux hommes utilisent chacun le logos et l’ethos.

Rapport de place /Relations horizontales et verticales

La relation entre les deux protagonistes est distante. Les acteurs ne cherchent pas la validation et l’accord de l’un ou de l’autre face à leur propos. Une fois que François Hollande a répondu la question du journaliste, ce dernier passe à la suivante sans chercher à contester ou à le désavouer. Concernant les rapports de place, Aphatie en meneur de l’interview se place en haut, il lance 5 sujets et Hollande en bas il se contente de répondre à ses questions par des réponses très longues. Le ton de chacun est calme et posé.
Cependant, un jeu de contradiction se crée entre les questions orientées de Jean-Michel Aphatie et les longues tirades de François Hollande. Chacun reste dans sa face et ne cherche pas à envahir l’autre.
Aphatie n'émet aucun point de vue, il se contente de relancer l’interview par des citations ou informations de l’extérieur. Il laisse la parole au candidat socialiste qui profite pour étayer ses propos par de longues réponses afin d’asseoir son projet présidentiel et sa finalité qui est d’être élu.
Le candidat est serein.

L’interview se déroule dans le calme, Jean-Michel Aphatie ne coupe pas la parole de son invité, il se contente de poser ses questions qui sont tout de même provocatrices et pertinentes. Le fait de laisser la parole à François Hollande n’enlève rien à son statut de journaliste incisif et virulent. Leur échange est bien établi et mené. La distribution de la parole et le temps de parole sont égaux. 
François Hollande se montre détendu et serein, il expose son programme et tente d’être le plus convaincant possible. Jean-Michel Aphatie quant à lui se montre distant et ne cherche pas à contester ses réponses.
Si nous comparons cette interview avec celui du 12/12/11, nous pouvons conclure que leur échange était plus interactif et le journaliste coupait son invité plus souvent. Le candidat socialiste adoptait une position d’appropriation de l’interview, se donnant à lui même la position forte et se permettait de couper Jean-Michel Aphatie. On sent que la proximité entre les deux protagonistes était plus importante car le débat était plus animé. Au début de l’interview, il y a davantage de grandes phrases, puis, celle-ci sont de plus en plus courtes plus l’échange s’anime.
Tandis que tout au long de l’interview quez nous analysons, François Hollande fait de grandes phrases et des grandes réponses. Le débat n’est pas animé et les deux hommes sont distants.
.
4. Mise en perspective avec les autres analyses

- « L’invité sur RTL », Jean-Michel Aphatie

Après avoir visionnées les interviews de Jean Michel Aphatie avec Marine Le Pen, Jean Luc Mélenchon et Nicolas Sarkozy, nous avons pu entrevoir des différences de traitement des invités. Ainsi, selon les invités, les questions sont plus ou moins orientées, plus ou moins virulentes…

            L’interview de Marine Le Pen semble peu crédible, Aphatie semble être hors sujet et oriente fortement son discours et ses questions. Mais par moment, Aphatie subit le débat, il fait de très légères provocations, il essaie de la provoquer mais ça ne marche pas. Marine Le Pen reste combattante, assez calme et essentiellement dans les faits.

La rencontre avec Jean Luc Mélenchon marque cependant une rupture, le climat conflictuel vient s’installer dès le débat de l’interview. Aphatie cherche à le provoquer avec ironie, puis par l’agacement de ces questions, Mélenchon ne répond plus aux questions et la tension monte entre les protagonistes.

            Tandis qu’avec Nicolas Sarkozy, Aphatie revient sur ce qui a été fait, il est assez agressif sur son bilan mais toujours avec une certaine distance, il lui parle en tant que président et non en tant que candidat, il ne respecte donc pas réellement les règles du jeu.

Aphatie semble majoritairement en retrait sur ces interviews, comme s’il était absent et que les questions étaient enregistrées. Que pouvons nous traduire de cette attitude ? On semblerait que le cadre de l’interview ne lui convient pas, avec Hollande comme avec la majorité des candidats il apparaît moins virulent qu’il ne l’est généralement. A l’exception de Jean Luc Mélenchon qui est une interview à part, le traitement des invités est constamment différent et il est vrai qu’avec Hollande, Aphatie s’est montré très conciliant, on avait presque l’impression qu’ils s’étaient mis ensemble d’accord sur les questions « pièges » posées  par Aphatie. Parti pris ou contrainte hiérarchique?

- Les interventions radiophoniques de François Hollande

Sur RMC, Hollande semble très serein, Bourdin joue son rôle de journalistes, il l’interroge et lui laisse tout le temps pour répondre aux questions. A aucun moment François Hollande est mis en difficulté bien que l’interview tourne autour d’un sujet sensible, Mohamed Merah.

Sur Europe 1, l’interview d’Arlette Chabot oblige le candidat socialiste à parler largement de son adversaire Nicolas Sarkozy. Elle garde un discours neutre ce qui permet à Hollande de s’imposer en tant qu’ « expert » politique.

On constate que l’intervention de François Hollande sur les ondes sont très calmes, il apparaît en réelle position de leader, aucun journaliste n »ose » l’interrompre, le climat est très rarement conflictuel ce qui lui permet d’asseoir sa notoriété, de revenir sur les éléments clés de son programme, de se réaliser médiatiquement. On peut noter le débit de parole de Hollande qui joue en sa faveur, un ton apaisé, des temps de paroles longs, un discours calme et réfléchi, sans précipitation.

5. La France de François Hollande ; L’importance de la laïcité dans sa campagne
Si l’interview avec Jean-Michel Apathie sur RTL n’avait pas forcément trait à la laïcité, si ce n’est dans la dernière minute ou JPA pose cette question : Une opération de police est en cours, François Hollande, pour arrêter des islamistes radicaux. Approuvez vous cette fermeté des pouvoirs publics ? Que l’on voit tous les jours, maintenant, puisque cette opération fait suite à d’autres concernant l’islamisme radical en France ? Hollande aurait pu détourner la question afin d’expliquer son projet d’inscrire les principes fondamentaux de la loi de 1905 sur la laïcité.
Ce sujet a été tout de même nettement récurrent dans la campagne de François Hollande. Ce dernier considère qu’en proposant d’inscrire la loi de 1905 dans la Constitution, il réinvestira un terrain abandonné par la gauche. En effet c’est lors de l’invitation de Nicolas Sarkozy, invitant François Hollande à la relecture de la Constitution sur la question de la laïcité, que François Hollande s’est prononcé. C’est justement parce qu’il y a eu, au cours de ces dernières années, trop d’ambiguïtés, trop de reculs, que François Hollande, proposera d’inscrire les principes fondamentaux de la loi de 1905 dans la Constitution.
Le 25 janvier, au Bourget, Francois Hollande entame son discours sur la laïcité par : « Présider la République c'est être viscéralement attaché à la laïcité." En plaçant son discours sous le signe de la laïcité et plus tard de la nation, François Hollande réinvestit à sa manière un champ politique que la gauche a déserté. La clameur de la foule au Bourget à cette annonce montre qu'une frange importante de la gauche se reconnait dans ce débat. On se rappelle de la sortie d'Elisabeth Badinter qui déplorait “qu'en dehors de Marine Le Pen, plus personne ne défende la laïcité”.
Puis, le lundi 13 février, François Hollande écrit aux représentants des cultes reconnus d'Alsace-Moselle pour les rassurer sur le maintien du régime particulier du Concordat, malgré sa volonté d'inscrire la loi de 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat dans la Constitution. "Le maintien du Concordat doit être abordé avec respect et compréhension de ce que fut l'histoire de ce territoire français", indique le candidat socialiste à la présidentielle, en réponse à un courrier que lui avaient adressé les représentants des cultes d'Alsace-Moselle le 23 janvier.
S'il tient à inscrire les principes fondamentaux de la loi de 1905 sur la laïcité dans la Constitution (46e de ses 60 engagements de campagne), François Hollande conserverait ainsi la spécificité du régime d'Alsace-Moselle.
Pour se faire, il indique vouloir insérer à l'article 1er de la Constitution un deuxième alinéa ainsi rédigé:
"La République assure la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes et respecte la séparation des églises et de l'Etat, conformément au titre premier de la loi de 1905, sous réserve des règles particulières applicables en Alsace-Moselle. Bien loin de porter atteinte aux règles qui régissent, de façon particulière, les relations entre l'Etat et les cultes concordataires en Alsace-Moselle, elles seront au contraire confortées dans leur spécificité, en se voyant reconnues au niveau constitutionnel".
François Hollande, dans sa campagne, souhaite donc graver dans le marbre les principes d’une loi qui unit les Français, dans la diversité de leurs convictions, sans remettre en cause la liberté pour chacun de pratiquer sa religion, sans revenir sur les règles posées par le concordat en Alsace-Moselle, ni sur l’organisation de notre système éducatif. La loi de 1905 est un selon François Hollande, un texte qui ‘libère et qui protège’. Contrairement à la démarche de division de Nicolas Sarkozy, François Hollande veut pacifier et rassembler, il défend la laïcité « ouverte et tolérante » et non une laïcité à « géométrie variable ».
Aussi, si François Hollande dans son programme présidentiel (si il est élu président) a décidé d’inscrire la laïcité dans la Constitution, c’est pour rappeler aux Français l’importance que revêt de nos jours le modèle laïque au sein d’une société multiconfessionnelle où ce modèle ne fait plus l’unanimité. Mais François Hollande s’est bien gardé de dire quels sont les Français qui contestent cette unanimité, comme il se garde de supprimer la spécificité de l’Alsace-Moselle. François Hollande en constitutionnalisant ces principes laïques auxquels il affirme être attaché, le fera au nom du changement dont il se dit le garant. Comment, en effet, mettre en place une nouvelle politique fondée sur la cohésion sociale si l’on ne s’assure pas d’abord du « garde-fou » laïque ?
Le 29 avril 2012, à Paris-Bercy, François Hollande exprimait clairement la vision de « sa France ». Au total, 22 000 personnes, selon les organisateurs (dont 3 000 restées dehors) ont assisté à ce discours d’une heure et quart. Le député de Corrèze a repris tous ses thèmes fondamentaux: rassemblement, République, laïcité, école, jeunesse, égalité... François Hollande entend “réconcilier la France”, et veut faire de 2012 “une date historique” pour reprendre “la longue marche du progrès”. “Je veux que le 6 mai soit une bonne nouvelle pour les démocrates et une terrible nouvelle pour les dictateurs”, a-t-il lancé.
François Hollande a prôné “un respect scrupuleux du principe de laïcité pour toutes les religions dans la République”. “Je demande les mêmes droits, les mêmes devoirs, la même liberté de culte mais aussi le respect de l’espace public, de la dignité humaine, de l’égalité entre les hommes et les femmes. Voila les principes qui nous unissent !”, a-t-il ajouté.
Le candidat socialiste a également opposé le “patriotisme” au “nationalisme” et au “souverainisme”. “Le patriotisme, c’est servir une cause qui est plus grande que nous, c’est ce qui nous permet de dépasser nos frontières”. Le patriotisme c’est aussi “s’aimer soi-même pour aimer les autres et ne rien craindre dans la compétition mondiale, dans l’Europe qui se construit”.
Dernier élément en date relevant du discours de Hollande sur la laïcité: lors du débat Hollande-Sarkozy du 3 mai 2012. En effet, Sur la laïcité, François Hollande a affirmé “que les Français n’aient aucune inquiétude, sous ma présidence, il n’y aura aucune dérogation à quelque règle que ce soit en matière de laïcité. La loi sur la burqa, si je deviens président de la République, sera strictement appliquée. Aucun horaire de piscine ne sera toléré s’il fait la distinction entre les hommes et les femmes. Rien ne sera toléré en terme de présence de viande halal dans les cantines de nos écoles”...
La laïcité pour François Hollande serait donc un aspect fondamental de son programme, si il était élu Président de la République. 
6. De l’interview au débat politique,
De l’exercice médiatique à l’exercice médiatisé : une stratégie progressive

Dans le contexte actuel du second tour des élections présidentielles il semble pertinent de s’attacher à comparer brièvement, la construction du discours de Mr. Hollande sur les ondes radiophoniques mais aussi sur le débat télévisé.
Au fil des dernières décennies, le débat télévisé affrontant les « finalistes » à l’élection présidentielle est devenu une « institution » en France. Ce duel de l’entre deux-tours des présidentielles est devenu un « événement de communication » unique en son genre, durant lequel les deux candidats ont l’occasion d’argumenter en faveur de leurs choix politiques en les confrontant à ceux de l’adversaire. Depuis 1974, le dispositif générique de cette confrontation des politiques est resté relativement stable, tandis que la « place énonciative » que s'octroient les journalistes au sein du débat varie sensiblement.
Le duel télévisé entre Nicolas Sarkozy et François Hollande, programmé ce mercredi 2 mai à 21h00, sera le point culminant de la campagne présidentielle 2012. Dès 21 heures, les deux finalistes de la présidentielle entrent tout de suite dans le vif du sujet. Le débat télévisé de l’entre deux tours entre Nicolas Sarkozy et François Hollande a été sans concession. Chaque détail technique a été minutieusement discuté par les deux camps pour un événement qui devait rassembler plus de 20 millions de téléspectateurs et n’en a finalement rassemblé que 17,8 millions.  

Dans la perspective de notre analyse, il est intéressant de comparer la prestation d’Hollande lors du débat à son intervention sur RTL. D’autant plus que ces deux prises de parole médiatique du candidat socialiste ont eu lieu à un mois d’écart.

1-      Vers un dispositif médiatique dénaturé ?
Dans le cadre du débat télévisuel, la relation entre journalistes et candidats à la présidentielle est totalement différente de celle exercée en interview. Le débat replace les candidats au centre des discours et laisse très peu de place aux journalistes. D’ailleurs jamais envisager comme un grand exercice journalistique, le débat représente un exercice difficile pour le journaliste qui trouve son statut bouleversé. Ce sont, Laurence Ferrari et David Pujadas qui se sont chargés de l’exercice, leur prestation très discrète laisse ouvert le débat sur le rôle du journaliste lors de ce type de débat. En effet, pendant les presque 3 heures de débat, ils n’ont cessé « d’essayer » avec beaucoup de peine, de modérer le débat, de gérer les temps de paroles, de donner la parole, d’orienter les candidats vers de nouveaux sujets… Il est vrai, les journalistes n’ont pas posé de questions, ils leurs a été très difficile d’imprimer leur marque sur le territoire médiatique largement occupé par M. Hollande et M. Sarkozy.  Ce dispositif médiatique est totalement atypique, il est, nous pensons impossible à analyser à l’aide du tableau, les jeux, les codes, les rhétoriques étant complètement éloignés de l’exercice traditionnel que représente l’interview. L’exercice du débat est tellement encadré qu’il en est difficile de faire autrement, le journaliste passe au second plan tandis que la politique trône.

2-      Un face à face plus conflictuel
L’exercice du débat télévisuel veut que Nicolas Sarkozy et François Hollande apparaissent dans une position conflictuelle. Ils sont assis, face à face, à une distance relativement grande l’une de l’autre et à leurs côtés prennent place les deux journalistes. C’est dans cette organisation que se joue la joute verbale entre les deux candidats arbitrée par les deux journalistes. On s’intéressera ici rapidement à l’attitude de François Hollande comparativement à son intervention sur RTL bien que la comparaison soit difficile.
Dans « L’Invité de RTL » avec Aphatie, Hollande semblait relativement calme, et les questions généralement incisives d’Aphatie ne venaient pas semer le trouble chez le candidat socialiste qui restait constant et sans grande conviction. Tandis que sur le plateau télévisé l’atmosphère était toute autre, Hollande n’était plus en position d’interviewé, répondant aux questions posées calmement, il se retrouvait face à Sarkozy dans un dispositif poussant au conflit. Son attitude était alors changée, on a pu voir une François Hollande, plus investi, plus convaincu et surtout plus virulent. Sarkozy habitué et reconnu pour ce type d’exercice représentait un adversaire de taille mais Hollande ne s’est aucunement laissé faire. Tantôt incisif, tantôt sarcastique et tantôt apaisé, François Hollande a surpris son adversaire en optant pour une stratégie verbale novatrice. 
Ce débat d’une violence verbale sans précédent, a permis à François Hollande d’asseoir sa position de candidat au second tour et selon notre analyse, de se placer en position de dominateur, rôle dans lequel on ne l’attendait pas.

3-      Une sérénité grandissante ?
Tout au long du débat Hollande a su montrer une grande sérénité, pourtant Sarkozy s’annonçait plus rude adversaire que Jean -Michel Aphatie, qui en interview semblait le piéger à demi mesure. Hollande ne semblait pas surpris par ces questions ce qui en a fait une interview plate contrairement au débat, lui vraiment virulent. Face à Sarkozy, Hollande use de rhétoriques appuyant le poids de sa campagne, de sa candidature. Le socialiste s’est efforcé de ramener le président sortant à «ses bilans» pour, ensuite, développer ses propositions. Ce qui lui a conféré une autorité qui a souvent agacé son adversaire.
Le type de prises de parole adopté par Hollande est prenant, il n’hésite pas à se saisir du débat à tout moment. On passe dans ce type d’exercice par toutes les dimensions du discours, de l’ethos au logos en passant par le pathos.  On peut cependant dire que le caractère « ethos » domine son discours. Le nombre d’assertions n’est même pas quantifiable il est infini de même que les actes sollicitant : questions/ réponses ou accord/ désaccord, de réception, itération, prise  de contact. Le débat politique est l’essence même de ces rapports. Quant aux interventions, réalisées par les journalistes elles n’ont pas d’écho réelle il serait plus intéressant dans un exercice plus long de s’intéresser aux interventions problématisées des candidats qui ne cessent de les utiliser.

Sur la forme, le président-candidat fut pugnace, accrocheur, cherchant constamment le combat. A l’offensive mais aussi, souvent sur la défensive.
François Hollande, nettement plus serein, 
n’a pas fuit, loin de là, n’hésitant pas à faire monter la pression
et à attaquer lui aussi. «Vous aurez du mal à passer pour une victime» ; «ce n’est jamais de votre faute» ; «vous êtes toujours content de vous». Car, sur le fond, tel aura été le grand paradoxe de ce débat : le refus constant d’assumer le bilan
du quinquennat.
Il serait aussi très intéressant de se pencher sur la gestuelle des candidats, de même que sur le regard (on peut ainsi voir François Hollande restant figé sur Nicolas Sarkozy tandis que ce dernier cherche du regard les journalistes).
A ces deux formes d’exercices médiatiques que pratiquent les candidats au second tour de l’élection présidentielle se dessine des impacts relativement différents. A un mois d’intervalle, on note la prise de confiance de François Hollande qui apparaît beaucoup plus incisif sur le plateau télévisé du débat que lors de son interview avec Aphatie où il se contentait de répondre aux questions du journaliste très distant. A chaque exercice sa visée, la stratégie discursive de François Hollande relève d’un travail progressif pour aboutir sur une figure de sérénité presque arrogante.