Bourdin 2012 : Jean-Luc Mélenchon
Le choix de cette séquence dans
l’interview de Jean-Luc Mélenchon par Jean-Jacques Bourdin a été motivé par
plusieurs paramètres. Tout d’abord, d’une manière générale, on y voit les deux hommes, connus pour leur
facilité de parole et leur forte personnalité s’affronter dans une joute
oratoire. Tout en étant assez virulente, leur joute n’est pas conflictuelle et
il en ressort même une pointe de complicité et de jeu rhétorique qui fait
glisser cette séquence vers le théâtre et le comique. Illustrant cette
confrontation au sommet et le caractère similaire des deux hommes, nous avons
pu observer plusieurs expressions s’inscrivant dans une volonté partagée de
rester sur un même pied d’égalité.
La séquence choisie est aussi intéressante pour les sujets
qui y sont évoqués : cette émission, avant le premier tour de la
présidentielle, est l’occasion pour les candidats de venir présenter leur
programme, mais ici, c’est sur l’hypothèse d’une victoire de ses concurrents
(F. Hollande et N. Sarkozy) que Jean Luc Mélenchon est appelé à répondre. C’est
donc en opposition avec les autres candidats que l’homme politique se définit.
En plus de l’aspect explicatif du discours général de
l’émission, on assiste à un virage vers la sphère narrative lorsque le candidat
évoque sa jeunesse combattive au sein de la gauche.
Encore un autre élément qui a attiré notre attention :
les rôles semblent s’inverser pendant ces trois minutes entre celui qui pose
les questions et celui qui y répond et on voit que cet état de fait n’échappe
pas à nos locuteurs qui jouent de cela.
C’est donc pour
toutes ces hybridations des genres et des pratiques discursives :
l’inversion des rôles, le glissement entre les sphères explicatives et
narratives, l’exhibition des règles du contrat de communication « c’est
moi qui pose les questions, et c’est vous qui y répondez » (Jean
Jacques Bourdin), que cette séquence nous est apparue comme étant la plus riche
et pertinente de l’émission.
II. Description de la séquence par la
grille d’analyse
Bourdin
2012 – invité Jean-Luc Mélenchon – 16 avril 2012-04-30
Bourdin :
Est-ce que ça va mal se passer si François Hollande est élu Président de la
République ?
Mélenchon :
Je n’en sais rien mais d’abord si…(Bourdin : ah mais si c’est vous,
oui…)et puis si c’est moi vous allez voir ça va chauffer ! Nous ne nous
laisserons pas faire !
B :
Oui, oui, vous allez me dire ce que vous allez faire si vous êtes élu Président
de la République…Premier Ministre de François Hollande…Non, c’est
inenvisageable ça ?
M :
Non j’ai déjà dit que…
B :
Ni ministre ?
M :
Bah je ne crois pas, non non non…
B :
Pas d’accord de gouvernement. Vous avez dit non à tout cela.
M :
Bah écoutez M. Bourdin, là (Bourdin : Oui) vous me prenez comme ça là euh…
B :
Bah je vous pose des questions moi!
M :
Oui oui mais j’entends bien que vous me posez la question et j’ai
l’intention d’y répondre! Mais ceci est toujours la même hypothèse…Pourquoi
c’est lui qui l’emporte ? Pourquoi…le premier tour il n’a pas eu lieu.
Maintenant vous me…(Bourdin : oui oh !) il y a une chose…M. Bourdin il
y a une chose qui sera simple de toute façon.
B :
Allez ! Qu’est ce qui va…oui ?
M :
Son projet et le mien ont un point commun.
B :
Ils sont incompatibles.
M :
Non ! (Bourdin : ah bon !) Un point commun : pour qu’ils
commencent à se réaliser il faut faire perdre Nicolas Sarkozy !
B :
Oui
M :
Donc nous allons nous employer à faire perdre Nicolas Sarkozy
B :
D’ailleurs certains se demande si vous avez vraiment envie de faire perdre
Nicolas Sarkozy… (Mélenchon : Mais qui a dit des choses comme ça ?)
Franchement ! Bah beaucoup de commentateurs, beaucoup…
M :
Ah d’accord ! D’amis du parti socialiste embusqués (Bourdin : Mais
vous ? Vous vous posez la question ?...) dans les journaux et qui
m’insultent…
B :
Vous vous posez la question ?
M :
Mais bien sûr que non ! De quel droit ces gens…
B :
Pour vous c’est très clair ?
M :
Mais écoutez…de quel droit ces gens qui ont toujours été des larbins des
puissants, des cire-pompes viennent me donner des leçons à moi (Bourdin :
mais mais à qui pensez vous ?) écoutez-moi Bourdin !
Ecoutez-moi ! (Bourdin : mais à qui pensez vous…Mélenchon !)
Écoutez-moi Bourdin ! Vous me dites des noms… (Bourdin : je ne sais
pas je vous pose la question !) non non vous ne p…écoutez-moi Bourdin
(Bourdin : Mais…) Vous vous taisez ? C’est vous ou c’est moi qui
parle ? Allez-y…
B :
Bah c’est moi qui pose les questions ! C’est vous qui répondez !
M :
Alors vous me laissez répondre !
B :
Alors Allez y. Allez y.
M :
Bon ! Vous venez de dire M. Bourdin (Bourdin : Mmh.) de nombreux
commentateurs, dites des noms s’il vous plaît ?
B :
Bah je ne sais pas (M : Vous ne savez pas !) j’ai lu, j’en ai lu
tellement ! Moi je ne les connais pas, je ne les fréquente pas, je ne les
vois pas !
M :
Voilà ! (Bourdin : Bon !) Quand je vous réponds (Bourdin : Alors !)
ce sont des larbins et des cire-pompes (Bourdin : Alors attendez !)
vous prenez votre air indigné par amitié corporative…
B :
Mais je n’ai aucune amitié corporative ! Aucune !
M :
Alors M. Bourdin laissez moi répondre ! (Bourdin : ok !) vous
avez posé une question, est ce que vous me laissez répondre oui ou non ?
B :
Allez y ! Répondez !
M :
Bien ! Je vous réponds ! Voilà ! Je vous dis que tout ces gens
(Bourdin : Oui !) ont un bilan de vie et moi j’en ai un
(Bourdin : Ne me prenez pas mes notes Jean Luc Mélenchon ! [Rire] Nan
nan parce que j’en ai besoin !). Ils ont un bilan de vie et moi j’ai le
mien. Je suis un homme de gauche depuis l’âge de 16ans ! Je, j’ai
participé à tous les combats contre toutes les dictatures dans le monde
(Bourdin : mmh) et contre tout les gouvernements de droite.
B :
on y reviendra oui !
M :
On y reviendra si je veux !
B :
Oui, enfin non, c’est moi qui pose les questions (Mélenchon : bah oui, bah
on verra si j’ai envie d’y répondre !) et c’est vous qui y répondez !
Je poserais la question !
M :
Et donc, j’ai participé toute ma vie à ces batailles contre la droite
(Bourdin : mmh !) d’accord ? Au nom de quoi quatre petits
cire-pompes qui sont en train de préparer la suite de leur carrière vont mettre
en cause mon appartenance intellectuelle à défaut d’être viscérale, mais elle
est aussi viscérale, à cette gauche à laquelle je crois, vous comprenez ?
B :
Mais alors vous avez qualifié…
M :
Donc M. Bourdin ! Écoutez-moi bien ! (Bourdin : Oui,
finissez !) Nous allons faire perdre M. Sarkozy, non pas parce que c’est
M. Nicolas Sarkozy, mais parce que c’est la droite thatchérienne, c’est un
monde fini ! Et que si cet homme est reconduit à la tête de l’Etat, il
nous a annoncé la suite du programme ! Après nous avoir tapé nos
retraites, il va nous taper l’assurance et tout le système de…de…de sécurité
sociale ! Plus la destruction des syndicats et de la représentation des
ouvriers dans les entreprises qu’il nous a annoncée l’autre jour. Par
conséquent, j’ai toutes les bonnes raisons de vouloir, dans tout les cas,
assurer sa défaite.
Média :
RMC Bourdin 2012
|
Jean-Jacques
Bourdin
|
Jean-Luc
Mélenchon
|
|
Domaine
de pratique social
Principes
|
Magazine
d’actualité politique en période de campagne sous forme d’entretien
Réalité,
vérité, sérieux
|
||
Finalités
|
Faire
de l’audience
Faire
connaître la vérité
Faire
connaître le candidat et son programme aux auditeurs
|
Etre
exposé médiatiquement
Défendre
ses idées politiques
Etre
élu président
|
|
Visées
discursives
|
Faire
parler son invité
|
Convaincre
|
|
Rôle
|
Journaliste/animateur/interviewer
|
Homme
politique chef de parti (front de gauche) candidat à l’élection
présidentielle
|
|
Problématisation
de l’animateur
|
-Est-ce
que ça va mal se passer si François Hollande est élu Président ?
-
D’ailleurs certains se demande si vous avez vraiment envie de faire perdre
Nicolas Sarkozy…
|
||
Orientations
discursives
Hétéro
centrée/ego centrée
|
Hétéro
centrée de part son rôle de journaliste.
Mais
en situation, son orientation discursive est amenée se recentrer sur lui-même
quand il doit se justifier « Moi je ne les connais pas, je ne les
fréquente pas, je ne les vois pas ! »
|
Ego
centrée de part sa finalité discursive dans l’émission et hétéro centrée de
part sa visée discursive, il doit convaincre les auditeurs et décrédibiliser
ses concurrents
|
|
Narratif
ou explicatif
|
Explicatif
|
Explicatif :
« Nous allons faire perdre M. Sarkozy, non pas parce que c’est M.
Nicolas Sarkozy, mais parce que c’est la droite thatchérienne, c’est un monde
fini ! »
Narratif :
« Je suis un homme de gauche depuis l’âge de 16ans ! Je, j’ai
participé à tous les combats contre toutes les dictatures dans le monde et
contre tout les gouvernements de droite. »
|
|
Relations
horizontales
|
Relation
horizontale quasiment égalitaire du fait de la personnalité et le fort
caractère des deux hommes qui sont aussi têtu l’un que l’autre.
On
passe d’un vouvoiement distancié et poli « M. Mélenchon »/
« M. Bourdin » à une proximité partagée « écoutez-moi
Bourdin ! »/ « mais à qui pensez
vous…Mélenchon ! »
|
||
Relations
verticales
|
Institutionnellement
Bourdin est plus haut que Mélenchon dans le cadre de cette émission puisqu’il
est le poseur de question et c’est lui qui choisi la direction du discours.
Cependant, Mélenchon va continuellement contre cette verticalité puisqu’il
affirme à plusieurs reprises être lui aussi décideur de l’orientation du
débat : « On y reviendra si je veux ». Quand l’un d’eux
cherche à prendre le dessus l’autre va immédiatement chercher à rééquilibrer
le rapport, exemple, dès que JL Mélenchon utilise l’invective
« Bourdin », l’animateur reprend cette familiarité et l’appelle
« Mélenchon ».
Phénomène
d’inversion des rapports verticaux quand Mélenchon pose les questions à
Bourdin : « Mais qui dit ça ? »
Bourdin
tente de rappeler son rôle « c’est moi qui pose les questions c’est vous
qui répondez »
|
||
Coopératif
ou conflictuel ?
|
Cet
échange est conflictuel dans les propos échangés qui sont quelque peu virulents mais leur amusement
visible à confronter leur rhétorique fait glisser la relation vers une
coopération.
|
||
Temps
parole
|
≈50s
|
≈
2’13
|
|
Nombre
de prise de parole
|
45 :
rappelons que nombre de ces prises de parole ne servent qu’à nourrir la
fonction phatique du langage.
|
28
|
|
Type
de parole : prenant sollicité, autorisé
|
-
Autorisant « allez y, répondez »
-
Sollicitant « Est-ce que ça va mal se passer si François Hollande est
élu Président de la République ? »
Cependant,
il faut bien noter que ces paramètres de prise de parole sont conditionnés
par la rhétorique et le théâtre politique
|
Autorisé
(demandeur) : « vous avez posé une question, est-ce que vous me
laisser y répondre oui ou non ?»
« Est-ce
que je peux vous répondre ? »
|
|
Dimensions
dominantes du discours : logos/ethos/pathos
|
Ethos :
« Mais je n’ai aucune amitié corporative ! »
Logos :
« D’ailleurs certains se demande si vous avez vraiment envie de faire
perdre Nicolas Sarkozy… »
|
Pathos
« Je suis un homme de gauche depuis l’âge de 16ans ! Je, j’ai
participé à tous les combats contre toutes les dictatures dans le monde » /
« mon appartenance intellectuelle à défaut d’être viscérale, mais elle
est aussi viscérale »
Ethos :
« cette gauche à laquelle je crois »
Logos :
« Nous allons faire perdre M. Sarkozy, non pas parce que c’est M.
Nicolas Sarkozy, mais parce que c’est la droite thatchérienne, c’est un monde
fini ! »
|
|
Actes
informatifs autonomes : assertions
|
« Oui,
oui, vous allez me dire ce que vous allez faire si vous êtes élu Président de
la République »
« on
y reviendra oui ! » : en parlant de la jeunesse combattive de
Mélenchon
|
« Son
projet et le mien ont un point commun [...] pour qu’ils commencent à se
réaliser il faut faire perdre Nicolas Sarkozy !»
|
|
Actes
sollicitant : questions/réponses
|
Questions
|
Réponses
|
|
« Est
ce que ça va mal se passé, si F Hollande est élu président de la
république ? »
« Premier
Ministre de François Hollande…Non, c’est inenvisageable ça ? »
« Ni
ministre ? »
« Vous
vous posez la question ? »
« Pour
vous c’est très clair ? »
|
« Je
n’en sais rien mais d’abord si…et puis si c’est moi vous allez voir ça va
chauffer ! Nous ne nous laisserons pas faire ! »
« Non
j’ai déjà dit que… »
« Bah
je ne crois pas, non non non… »
« Mais
bien sûr que non ! De quel droit ces gens… »
|
||
Réponses
« Bah beaucoup
de commentateurs, beaucoup… »
« Bah
c’est moi qui pose les questions ! C’est vous qui répondez ! »
|
Questions
« Mais
qui a dit des choses comme ça ? »
« Vous
vous taisez ? C’est vous ou c’est moi qui parle ? »
|
||
Actes
sollicitant :
Demande
de validation/validation + accord/désaccord
|
« B :
Premier Ministre de François Hollande…Non, c’est inenvisageable ça ?
M :
Non j’ai déjà dit que…
B :
Ni ministre ?
M :
Bah je ne crois pas, non non non…
B :
Pas d’accord de gouvernement. Vous avez dit non à tout cela.
M :
Bah écoutez M. Bourdin, là (Bourdin : Oui) vous me prenez comme ça là
euh…
B :
Bah je vous pose des questions moi!
M :
Oui oui mais j’entends bien que vous me posez la question et j’ai
l’intention d’y répondre! »
On
assiste ici à un échange rythmé demande de validation/validation accord et
désaccord.
|
||
Demande
de validation : « D’ailleurs certains se demande si vous avez
vraiment envie de faire perdre Nicolas Sarkozy… »
|
Validation
désaccord «Pourquoi…le premier tour il n’a pas eu lieu»
Désaccord
« Non non non » (au sujet des projets incompatibles)
Demande
de validation « Ah d’accord ! D’amis du parti socialiste embusqués
dans les journaux et qui m’insultent… »
Demande
de validation : « d’accord ? » « vous
comprenez ? »
|
||
Mise
en lumière du contrat de communication
|
« Bah
je vous pose des questions moi! »
« Bah
c’est moi qui pose les questions ! C’est vous qui répondez ! »
« on
y reviendra oui ! »
« Oui,
enfin non, c’est moi qui pose les questions et c’est vous qui y
répondez ! Je poserais la question ! »
|
« oui
mais j’entends bien que vous me posez la question et j’ai l’intention
d’y répondre! »
« Alors
vous me laissez répondre »
« Alors
M. Bourdin laissez moi répondre ! vous avez posé une question, est ce
que vous me laissez répondre oui ou non ? »
« Bien !
Je vous réponds ! Voilà ! »
« On
y reviendra si je veux ! »
« bah
oui, bah on verra si j’ai envie d’y répondre ! »
|
|
Actes traitant d’informations déjà
émises : validation, réception, itération, accord, désaccord
|
Désaccord :
« Je n’ai aucune amitié corporative. »
Réception :
« on y reviendra »
|
Désaccord : « Mais ceci est toujours la même
hypothèse…Pourquoi c’est lui qui l’emporte ? »
« oui
mais j’entends bien que vous me posez la question et j’ai l’intention
d’y répondre! » validation/réception + promesse de réponse
Validation
désaccord : « on y reviendra si je veux »
|
|
Interventions
problématisées directrices
|
-
« Est-ce que ça va mal se passer si Hollande est élu président de la
république ? »
|
||
Interventions
problématisées de relance par reprise
|
« Oui
vous allez me dire ce que vous aller faire si vous aller être
président » (décale dans le futur la
demande de réponse))
|
Ah
d’accord, d’amis du parti socialiste embusqués dans les journaux (il finit la
phrase du journaliste – intervention problématisée hétéro continuative)
|
|
Interventions
problématisées de relance par adjonctions
|
« D’ailleurs
certains se demande si vous avez vraiment envie de faire perdre Nicolas
Sarkozy »
|
« Vous
venez de dire de nombreux commentateurs, dites des noms s’il vous
plait »
|
|
Interventions
problématisées de relance par changement de focalisation
|
« Mais
ceci est toujours la même hypothèse…Pourquoi c’est lui qui
l’emporte ? »
« Je
n’en sais rien mais d’abord si… et puis si c’est moi vous allez voir ça va
chauffer ! »
« Son
projet et le mien ont un point commun[...]
pour
qu’ils commencent à se réaliser il faut faire perdre Nicolas
Sarkozy ! »
|
||
Interventions
réactives
|
L’échange
du début sur la possibilité d’un accord politique avec François Hollande
Assertion :
« ils sont incompatibles » (intervention problématisé hétéro
continuative)
Réponse :
« certains commentateurs politiques »
|
Question : « Mais qui dit
ça ? » : fait s’inverser les rôles.
|
|
Interventions
continuatives
|
|||
Interventions
saltatoires
|
|||
Interventions
non problématisées
|
Ne
me volez pas mes notes
Je
vous ai posé une question
|
Ecoutez-moi,
écoutez-moi…
Laissez-moi
parler, je vais y répondre
|
|
Actes
de paroles dominants de la sphère de l’information
|
Rappelle
les dires de Mélenchon dans d’autres médias : coalition avec hollande
« vous l’avez dit ça »
|
Confirme
(non je ne veux pas être avec Hollande)
Explication :
pourquoi il va faire perdre Sarkozy.
Information
sur les reformes et projets de sarko : ces information sont en réalité
dans la sphère de l’évaluation.
|
|
Actes
de paroles dominants de la sphère de l’évaluation
|
« de quel droit ces gens qui ont
toujours été des larbins des puissants, des cire-pompes viennent me donner
des leçons à moi »
« Quand
je vous réponds ce sont des larbins et des cire-pompes vous prenez votre air
indigné par amitié corporative…»
« Au
nom de quoi quatre petits cire-pompes qui sont en train de préparer
la suite de leur carrière vont mettre en cause mon appartenance
intellectuelle à défaut d’être viscérale, mais elle est aussi viscérale,
à cette gauche à laquelle je crois, vous comprenez ? »
-
Information sur les reformes et projets de Sarkozy : ces information
sont en réalité dans la sphère de l’évaluation.
|
||
Actes
de paroles dominants de la sphère de l’interaction
|
Défier :
« je poserais la question »
|
Défier :
« On
en parlera si j’ai envie d’en parler. »
« Je répondrais si j’ai envie de
répondre »
|
|
Actes
de paroles dominants de la sphère contractuelle
|
C’est
moi qui pose les questions c’est vous qui répondez
Je
vous pose une question : demande de validation et rappel de question
On
y reviendra
|
à
Le métadiscours
vous
vous taisez ou c’est moi qui parle ?
J’entends
bien je vais vous répondre : validation/réception – promesse de réponse
on
y reviendra si je veux
je
répondrai si j’ai envie de répondre.
|
|
Actes
de paroles dominants de la sphère actionnelle
|
Vouloir
faire parler Mélenchon/ Créer une ambiance vive sur le plateau/Vouloir avoir
de l’audimat.
|
Vouloir
faire échouer Sarkozy
Vouloir
faire adhérer les auditeurs à ses idées.
|
|
III. Mise en perspective critique et
comparative
Bourdin est un animateur réputé pour
son franc-parler et pour maîtriser véritablement ses sujets. Il impressionne
généralement les candidats. Ce qui est intéressant de noter dans cet extrait
que nous avons choisi, c’est le fait que Mélenchon, le candidat invité, ne fait
pas ressortir cette idée qu’il est impressionné. Justement, comme nous l’avons
explicité plus tôt dans ce dossier, il y a un jeu entre les deux locuteurs pour
maintenir un rapport d’égalité, quand l’un emploi seulement le nom de famille
de l’autre, le second répond sur le même ton, on garde les même règles. Cet
échange est donc différent de ce que nous propose d’habitude Bourdin dans son
émission Bourdin 2012 sur RMC.
Mélenchon a compris le contrat de communication, et son franc-parler lui donne une certaine légitimité face à Bourdin qui est lui aussi connu pour ce même trait de caractère. Les auditeurs vont s’attendre à ce type d’échange, les deux protagonistes respectent donc le contrat de communication supposé selon la définition de Patrick Charaudeau. Et ce, contrairement à l’étude réalisé sur Bourdin et Nadine Morano lors du premier semestre, où l’intervenante était quelque peu « bousculée » par Bourdin.
Autre fait intéressant à souligner,
l’inversion des rôles. A contrario de Nadine Morano dans l’émission du 5
janvier 2012, Jean-Luc Mélenchon ne se fait pas « épinglé » par
Bourdin sur certains sujet délicat. Bourdin va bien entendu essayer, surtout
sur sa volonté de faire perdre Nicolas Sarkozy, néanmoins, c’est le candidat
invité qui va retourner la situation en posant lui-même des questions à
Bourdin. Le rapport s’inverse entre questionneur et questionné. En outre,
Mélenchon arrive à prendre du recul face à la situation et même à déstabiliser
Bourdin (« Mais ne me volez pas mes notes ! ») ce que
Morano n’avait pas su faire. On à l’impression dans cet échange de 3 minutes
que c’est Mélenchon qui gère le dialogue (« On y reviendra si je
veux »), propos tout de même à nuancer, c’est Bourdin qui mène son
émission et il arrive à faire dire ce qu’il voulait faire dire au candidat
invité.
En ce qui concerne la déontologie
journalistique, peut-on dire que Bourdin va trop loin et est trop incisif dans
ses propos ? L’exemple de cet extrait nous montre que non. Bourdin va
chercher l’information tout en taisant ses sources (« je ne les connais
pas, je ne les fréquente pas ») et en étayant ses interviews de
recherches préalables. Mais le rôle d’un journaliste n’est-il pas d’aller
chercher le problème pour l’exposer au monde. Cependant, comme on le notait
précédemment, il est pertinent de remarquer que Mélenchon retourne les rôles
dans cet extrait. Nadine Morano, elle, subit ce malmenage causé par la
« recherche journalistique de la véracité » alors que Mélenchon
essaye de la tourner à son avantage.
On observe l’absence d’interventions
continuatives ou saltatoires dans cet échange : chacun des locuteurs
laisse l’autre s’exprimer, ou lorsqu’ils se coupent, chacun reprend le début de
sa phrase, fournissant à l’auditeur le moyen de toujours entendre des phrases
complètes : ceci s’insère dans
notre observation de départ qui est : Bourdin et Mélenchon même s’ils sont
virulents, se respectent l’un l’autre et tout en jouant à un jeu rhétorique laisse
une place importante à la compréhension/perceptibilité du discours.
Dans cet extrait Mélenchon se définit en
opposition avec les deux candidats que son Hollande et Sarkozy, en
reconnaissant à Hollande son objectif de faire perdre Sarkozy (mais en
remettant en question sa possible élection) et en rappelant à l’auditeur les
erreurs commises par Sarkozy durant son mandat. Il crédibilise sa présence dans
la campagne par son expérience et son passé actif dans la gauche.
Nous observons que d’un point de vue
sémantique cette séquence forme une boucle, puisqu’elle commence par
l’hypothèse d’une victoire d’Hollande pour se terminer sur la certitude d’une
défaite de Sarkozy. On pourrait voire la conversation raccourcie ainsi :
Bourdin : « Est-ce que ça va mal se passer si
François Hollande est élu Président de la République ?
Mélenchon : « Son projet et le mien ont un point
commun. […] pour qu’ils commencent à se réaliser il faut faire perdre Nicolas
Sarkozy !
B : D’ailleurs certains se demande si vous avez
vraiment envie de faire perdre Nicolas Sarkozy…
M : Nous allons faire perdre M. Sarkozy, non pas
parce que c’est M. Nicolas Sarkozy, mais parce que c’est la droite
thatchérienne, c’est un monde fini ! Et que si cet homme est reconduit à
la tête de l’Etat, il nous a annoncé la suite du programme ! Après nous
avoir tapé nos retraites, il va nous taper l’assurance et tout le système
de…de…de sécurité sociale ! Plus la destruction des syndicats et de la
représentation des ouvriers dans les entreprises qu’il nous a annoncée l’autre
jour. Par conséquent, j’ai toutes les bonnes raisons de vouloir, dans tout les
cas, assurer sa défaite. »
En somme la réelle réponse de Mélenchon à la question
« et si c’était Hollande » est « du moment que ce n’est pas
Sarkozy », et tout au long de ces 3 minutes le candidat frontiste
s’emploie à appuyer son argumentation dans ce sens.
Il pourrait apparaitre dans cet extrait
un manque informatif de fond, cette séquence contient en effet beaucoup de méta
discursif. Un travail d’analyse discursive complet et collectif ne pourrait se
passer de cette dimension rhétorique et méta discursive s’il veut prétendre à
répondre à un maximum de critères analytiques. Aussi nous apportons notre
pierre à l’édifice en donnant à voir une saynète qui se place comme un miroir
satirique face aux jeux de langage (malléables, illusoires et risqués) que
sont l’analyse de discours et le débat
politique.
IV. Mise en perspective et comparaisons avec les
autres analyses réalisées
1. Jean-Jacques
Bourdin :
L’émission avec François Hollande a un
caractère spécial puisqu’elle est apparue lors de l’affaire Merah. Donc
l’aspect « campagne présidentielle » est mis de côté. Ce qu’il ne
fait pas avec Mélenchon, Bourdin le fait avec Hollande : aborder
l’identité nationale (ce qui reste logique dans le contexte de l’affaire
Merah). Nos camarades nous ont signalé qu’il n’y avait pas de jeux rhétoriques
entre les deux locuteurs. Nous pouvons donc confirmer que l’attitude de Bourdin
varierait donc en fonction de l’interlocuteur et en fonction du contexte de
l’enregistrement (ambiance générale en France détendue ou non). Par contre ce
qui nous rapproche de l’analyse Bourdin/Hollande serait un acte locutif de
Bourdin qui consiste à rapporter un témoignage extérieur sans rajouter de
commentaire et attendre que son invité en déduise une question et y réponde.
Bourdin rapporte à Hollande de témoignage sur l’affaire Merah, et le socialiste
en déduit des questions auxquelles il répond et Bourdin le laisse parler. Nous
observons le même phénomène avec Mélenchon : « D’ailleurs certains se
demande si vous avez vraiment envie de faire perdre Nicolas Sarkozy… ». On
comprend bien par la vivacité de la conversation qui suivra cet assertion sans
commentaires, qu’il s’agissait bien là d’une question déguisée produite pour
faire parler le candidat.
Lorsque Bourdin reçoit Nicolas
Sarkorzy, il aborde la question du nombre de mort de l’armée française en
Afghanistan. Son invité élude la question et Bourdin s’acharnera à la reposer
tant qu’il n’aura pas eu sa réponse. On retrouve ici le caractère et le
personnage Bourdin tel qu’il a été définit par les dossiers du premier semestre
et par l’observation collective. Il est intéressant de remarquer que dans notre
dossier il ne se passe pas ce phénomène. Bien au contraire, toujours dans une
perspective d’égalité nous avons observé que Jean Luc Mélenchon pose plusieurs
fois la même question au journaliste et ne semble pas vouloir le laisser se
défiler et vice versa. Mélenchon : « Mais qui a dit des choses
comme ça » / « de nombreux commentateurs, dites des noms s’il
vous plaît ? » - Bourdin : « mais mais à qui pensez
vous ? »/ « mais à qui pensez vous…Mélenchon ! ».
Finalement aucun des deux n’aura de réponse à sa question. On constate ici que
leurs forces discursives sont égales donc s’annulent.
Étonnamment, lorsque c’est Marine Le
Pen qui est invitée, Bourdin la laisse s’exprimer et ne la coupe pas, alors que
l’interaction avec Mélenchon est constante. Nous basant sur les propos de nos
camarades, nous émettons l’hypothèse que si Bourdin laisse parler Marine Le
Pen, c’est aussi pour mieux la connaître et donc par la suite mieux savoir
contredire ses arguments.
2. Jean-Luc
Mélenchon
Tandis que la rencontre entre les deux
caractères Bourdin/Mélenchon a provoqué une alchimie positive, ce type de
confrontation d’esprit, comme toujours dans les interactions humaines, peut
envoyer la conversation vers l’alchimie inverse. C’est donc avec fureur que
Jean Luc Mélenchon a quitté le studio de Jean Michel Aphatie (RTL). Nous
observons donc que quelque soit son interlocuteur, si celui-ci est aussi
« têtu » que lui, Jean Luc Mélenchon donne au public, un spectacle
toujours emporté.
Sans surprise, la conversation avec
Arlette Chabot se déroule sans problèmes. Nous retrouvons cependant une
analogie avec notre analyse, qui est la suivante : Mélenchon tente de ne
pas trop s’étendre sur l’image du communiste révolutionnaire qui le suit depuis
tant d’année :
« M : Je suis un homme de gauche depuis l’âge de
16ans ! Je, j’ai participé à tous les combats contre toutes les dictatures
dans le monde et contre tout les gouvernements de droite.
B : on y reviendra oui !
M :
On y reviendra si je veux ! »