Jean-Michel Apathie et François Hollande 1

« L’invité de RTL », une chronique présentée par Jean-Michel Aphatie.




L’extrait concerne une interview politique passée sur l’antenne de RTL le  12 décembre 2011 dans la chronique quotidienne de Jean-Michel Aphatie de 7h50 à 8h00. L’invité, Francois Hollande, est présent en tant que candidat à l’élection présidentielle. Il est appelé à réagir dans le contexte de crise financière sévissant dans la zone euro et à la suite d’un accord trouvé à Bruxelles, trois jours plus tôt, entre les différents chefs d’Etats et de gouvernements présents.
 
L’émission de Jean-Michel Aphatie est typiquement une émission d’actualité. Chaque jour, le journaliste reçoit des invités du monde politique, économique ainsi que des leaders d’opinion pour parler de l’actualité naissante. Nous nous retrouvons dans le cas d’un principe de sérieux, en effet il s’agit d’une interview politique, le sérieux est de mise pour chacun des deux participants. De plus, nous pouvons souligner les principes de réalité et de vérité, indispensable à ce type d‘émissions. Il s’agit en effet d’un sujet « bouillant » puisqu’on débat sur un événement bien réel qui a eu lieu  quelques jours auparavant.

Finalités :
 François Hollande, candidat socialiste à l’élection présidentielle de 2012, a une finalité bien précise, celle d’être élu. Ce type d’émissions a pour but de légitimer sa candidature à la présidentielle et d’amorcer sa campagne politique. Afin d’être le plus convaincant possible, François Hollande a pour objectif de mettre en place des visées discursives et lors de l’interview, d’y répondre. Nous reviendrons un peu plus loin sur ces visées employées par l’interviewé.

Jean-Michel Aphatie, quant à lui, en tant que journaliste politique, intervieweur sur une radio nationale, a pour  l’objectif  absolu de faire de l’audience, ’il s’agit de sa première et ultime finalité. Tout le reste découle de cette donnée. De plus, nous pouvons penser qu’en tant que journaliste politique reconnu, Jean-Michel Aphatie a également pour finalités d’asseoir sa position de journaliste expert en politique.

 Visées discursives :
François Hollande utilise plusieurs moyens, que nous pouvons qualifier de « visées discursives » pour arriver à ses fins, autrement dit, remporter la présidentielle de 2012. Il utilise comme armes, tout au long de son interview, l’argumentation, l’explication, l’enchainement construit des idées (« premièrement » (…) deuxièmement (…) enfin ».
Il se met en nette opposition  avec les propositions de Nicolas Sarkozy, qu’il critique ouvertement. Il doit être le plus convaincant possible. Ainsi, afin d’être crédible, François Hollande doit bien entendu répondre aux questions du journaliste, répondre aux attaques mais également défendre ses idées, ses convictions et son projet en pensant toujours à sa finalité ultime être élu président de la République.

Jean-Michel Apathie pour arriver à sa finalité s’emploie à respecter le contexte de l‘interview, en affinant ses questions de manière précise et pointue, pour amener François Hollande à réagir à l’attrait et à la pertinence des questions. Il doit poser les bonnes questions, celles qui vont intéresser le public et donner le plus de vie au débat. Les visées discursives qu’il doit mettre en place sont, naturellement, de poser des questions (travail du journaliste) mais également de déranger et pourquoi pas obtenir un « scoop »  de la part de François Hollande.  Montrer qu’il est en avance sur les autres journalistes en ayant les principaux personnages de la scène politique, et à travers son interview, pouvoir se démarquer des autres journalistes politiques.

Orientations discursives :
Compte tenu de la nature de l’émission, une interview politique, l’orientation discursive exprime une réflexion sur la connaissance du monde. Le discours est hétéro centré en effet les deux participants discutent, débattent de sujets d’actualité (la crise de l’euro, la candidature à l’élection présidentielle et les détournements de fond au PS).  Le discours de François Hollande est explicatif. Cependant, nous tenons à faire une remarque personnelle. Dans la deuxième moitié de l’interview le candidat s’approprie le sujet à des fins plus personnelles. Il multiplie la première personne du singulier et se positionne comme un homme singulier qui se présente à une élection présidentielle. Nous sommes conscients que cette position est clairement celle de tout candidat à l’élection présidentielle et qu’à travers ce « je » cet homme se positionne comme une voix portée par des millions de personnes. Le discours reste explicatif et non narratif. Ainsi nous nous sommes demandé si le discours ne basculait pas vers un registre égocentré.

Rôles :
Jean-Michel Aphatie endosse le rôle du journaliste expert en questions politiques. Il justifie sa légitimité par sa carrière dans les médias et son CV que nous avons vu un peu plus haut.
François Hollande, candidat à l’élection présidentielle, invité du journaliste dans sa chronique se pose comme expert de la situation. Bien plus qu’un expert on peut le qualifier de politique. Il doit répondre aux questions de Jean-Michel Aphatie de manière concrète et précise pour justifier son invitation sur le plateau et sa candidature au poste de président de la République.
En détaillant plus en profondeur l’interview, on s’aperçoit que la première moitié est consacrée aux questions européennes, puis la seconde moitié au sujet du programme présidentiel de François Hollande, enfin, dans les dernières minutes, Jean-Michel Aphatie tente de faire réagir l’ancien premier secrétaire du Parti Socialiste au sujet des enquêtes dans le Nord Pas de Calais. François Hollande rejette ce dernier rôle qui pourrait le lier à ces affaires indirectement. Il réaffirme sa venue sur le plateau en tant que candidat à l’élection et non comme ancien premier secrétaire du PS.

Prise de parole/Tour de parole :
Analysons désormais les tours de parole des protagonistes. Ils sont relativement égaux, ils se renvoient la parole tels deux joueurs de tennis, sous la forme classique « question/réponse » conforment aux règles de l’interview, même si on s’aperçoit que François Hollande interrompt assez souvent Jean-Michel Aphatie afin de poursuivre son développement.
Si l’on s’intéresse à la durée du temps de parole, on note que François Hollande la monopolise, allant même jusqu’à couper Jean-Michel Aphatie qui tente plus ou moins de s’imposer mais qui décide finalement de laisser son invité s’exprimer en le laissant répondre de manière assez longue à ses questions. On peut opposer cette interview à celui de Nadine Morano où le journaliste et l’invité se sont livrés à une véritable joute verbale.


La séquence  est d’une durée de 9min44. 14 secondes sont attribuées à l’animateur introduisant et concluant la chronique de Jean-Michel Aphatie (Vincent Parizot).  L’interview elle même, est d’une durée de 9min30sec, le temps de parole de François Hollande est de 7min10sec (soit environ 75% du temps de parole global de l’interview).

Les règles de l’interview renverraient à une relation plutôt égalitaire, du point de vue hiérarchique, entre les deux intervenants que sont le journaliste et son invité, homme politique. Jean-Michel Aphatie dirige bien son interview, en interrogeant le candidat socialiste, il prend son temps pour formuler de la meilleure manière sa première question, puis on s’aperçoit que de manière assez récurrente, l’ancien premier secrétaire du Parti Socialiste le coupe, en prenant l’interview à son compte, il monopolise la parole, allant même jusqu’à se poser les questions à lui-même, tombant presque dans le monologue à certains passages. Il s’empare du rôle Jean-Michel Aphatie, il devient à la fois journaliste (en reprenant les questions lui-même) et expert en y répondant. Il prend l’ascendant sur Jean-Michel Aphatie lui demandant, dans un premier temps, la permission de lui laisser continuer de parler « Permettez que j'aille un peu plus loin dans mon propos ». Puis il le coupe, allant même jusqu’à lui donner des ordres : « Laissez-moi terminer », en y ajoutant un geste de la main, François Hollande, dont la parole est normalement sollicitée, tente de s’imposer pour la prendre. Puis, quelques secondes plus tard, Jean-Michel Aphatie pose une question « piège » à François Hollande, à propos de l’âge du départ à la retraite pour les travailleurs exerçant des métiers dits « pénibles ». Le candidat socialiste pour s’expliquer redemande alors la permission à Jean-Michel Aphatie pour être « précis sur cette question parce que beaucoup de nos auditeurs prêtent l’oreille ». Il est intéressant de voir que François Holland à travers cette phrase s’associe à un public qu’il a en commun avec Jean-Michel Aphatie.

Ainsi nous pouvons dire que les prises de parole chez Jean-Michel Aphatie sont prenantes (confirme son statut de journaliste).
Pour François Hollande, nous assistons à une prise de parole qui est sollicitée (position d’invité) mais également il y a des relances de sa part, par reprise ou changement de focalisation.
En s’intéressant à la vidéo disponible sur le site internet de RTL, on peut analyser des données visuelles non disponibles par l’unique écoute de la séquence. On s’aperçoit de plusieurs mouvements de la main de Jean-Michel Aphatie afin de couper François Hollande, la plupart du temps, le candidat n’en tient pas compte et continue de parler. Enfin, on a dénombré à sept le nombre de tentatives d’interventions « échouée » de la part de Jean-Michel Aphatie pour interrompre François Hollande.

Relations horizontales et verticales :
 La relation entre les deux hommes est assez distante au début, puis au fur et à mesure François Hollande s’approprie l’interview, se donnant à lui même la position forte puisqu’il se permet de couper Jean-Michel Aphatie, on sent que la proximité entre les deux se rapproche… plus le débat s’anime, plus on sent les deux intervenants proches. Au début de l’interview, il y a davantage de grandes phrases, puis, celle-ci sont de plus en plus courtes plus l’échange s’anime.

François Hollande s’appropriant la parole, et se voulant dominateur de l’échange, un vrai-faux combat s’engage pour que Jean-Michel Aphatie puisse mener à bien son interview et poser les questions qu’il avait prévues. L’échange est faible puisque François Hollande suit une ligne et ne répond pas « du tac au tac » aux questions.

Superstructure discursive :
 Nous nous retrouvons face à une intervention directrice du journaliste, c’est lui qui décide du thème du sujet, qui pose la question d’introduction. Les interventions de François Hollande sont réactives.
Jean Michel Aphatie le coupe fréquemment, il le fait réagir par de simples mots, mettant la parole de l’invité en doute, parfois d’un ton légèrement ironique voire provocateur pour obtenir une réaction plus spontanée de la part du socialiste.
Au début de l’interview, il y a un respect des conditions de l’acte de communication et la finalité d’aboutir à une intercompréhension en assurant un échange entre le journaliste et son invité. On est donc bien dans le cadre du dialogue.
On remarque bien que Jean-Michel Aphatie maîtrise bien ses scripts au cours de ce dialogue fidèle au contrat de communication. Il a tenu à simplifier le discours au moment où son invité, François Hollande s’est engagé dans un langage complexe et pointu, afin de rendre accessible le dialogue à tous les auditeurs, d’une manière générale, y compris à ceux qui ne témoignent pas spécialement d’un intérêt pour les questions d’ordre politique.

 « Analyse bonus » : En comparant l’extrait choisi à d’autres interviews de candidats sur le plateau de Jean-Michel Aphatie, (celle de Marine Le Pen par exemple) en date du 8 décembre 2011, on s’aperçoit que Jean-Michel Aphatie a laissé davantage la parole au candidat socialiste, qu’il le coupe moins, le critique moins, le perturbe moins. Il est moins réactif, moins incisif avec François Hollande. Il donne d’une certaines manière plus de crédibilité au candidat de gauche qu’à la candidate d’extrême droite ce qui pourrait, en nous basant sur l’analyse effectuée de la séquence étudiée plus haut, révéler une certaine subjectivité de la part du journaliste qui ne traite pas ses deux invités de la même manière, décrédibilisant la candidate du Front National et lui laissant moins de temps de parole, en l’interrompant assez fréquemment.
 
Grille d’analyse : Invité de RTL François Hollande 12/12/2011


François Hollande

Jean Michel Aphatie

Domaine de la pratique sociale

A  C  T  U  A  L  I  T  E



Principes


Sérieux, vérité, réalité


Finalités

Légitimer sa candidature à la présidentielle, faire campagne, finalité ultime : être élu
Audience + asseoir sa position de journaliste politique, provoquer le scoop

Visée
Répondre aux attaques et questions de JM Aphatie, défendre leur idée, conviction, projet

Questionner, déranger

Orientations discursives

Réflexion sur la connaissance du monde. Discours hétéro centré - explication


Tour et type de parole

Moyennement long et nombreux

Courts et nombreux

Rôles

Expert : Personnalité politique, candidat à la présidentielle


Expert : journaliste politique

Prise de parole

Sollicitée, relance par reprise
Relance par changement de focalisation

Prenant

Types d’intervention

Inter. réactives

Inter. directives

Actes interlocutifs

Réponses
Assertassions (pour ne pas répondre directement a la question)

Questions

Formes du discours
Analyse discursive
Superstructure discursive

Mise en forme de la parole politique dans l’émission L’Invité de RTL

Après avoir écouté plusieurs séquences de l’Invité de RTL, à travers lesquelles sont intervenus différents personnages de la scène politique française, de tous bords confondus, et après nous être livré à une analyse détaillée de l’interview de François Hollande, il nous est désormais possible d’établir une hypothèse sur la possible mise en forme de la parole politique dans cette émission.
De façon générale, nous pouvons rappeler que RTL est une chaine de radio s’adressant à un public plutôt populaire, proposant une grille de programmes variés ce qui lui permet de toucher un grand nombre d’auditeurs. Cette diversité permet à la chaine de radio de fédérer un grand nombre de publics, ce qui en fait la première station radiophonique de France. En ce qui concerne l’émission L’invité de RTL, et cela vaut pour toutes les émissions de radio mettant en scène des débats et des discours sur l’actualité, la politique ou l’économie. La manière dont on intervient sur RTL n’est donc pas la même que sur une autre radio, puisque le public visé n’est pas le même. France Inter ou encore Europe 1 ont un public que nous pourrions qualifier de plus élitiste, aussi la manière de s’y exprimer, et la forme du débat politique n’y est pas la même.
Partant de ces constats ainsi que des analyses discursives menées dans la partie I et II, notre travail est donc d’établir une hypothèse de ce que pourrait être la parole d’un homme politique dans ce type d’émission.

Dans un premier temps, il est pertinent de nous arrêter sur le format de l’émission. Nous pouvons dégager deux niveaux :
 - la durée de l’émission
Elle se déroule sur environ dix minutes, une émission courte où l’objectif est de répondre aux questions du journaliste de la manière la plus claire et concise possible afin d’optimiser le temps. Pour ne pas gaspiller ce précieux temps,  il faut aller à l’essentiel c'est-à-dire répondre aux questions de Jean-Michel Aphatie sans réellement s’étendre et mettre à profit le discours, compte tenu de l’audience de l’émission, pour avoir une portée plus grande. Les tours de paroles seront alors moyennement long et nombreux (interview). 
 - l’interview
L’émission se déroule sous la forme d’une interview, format particulier dans lequel les participants se livrent à un face à face, ce qui crée une proximité entre les deux individus. Il est difficile de ne pas répondre à la question et de l’éviter. Ce contexte particulier laisse peu de liberté au candidat. C’est un exercice qui peu être considéré comme complexe car il ne laisse que peu d’échappatoire.

Dans un deuxième temps, le candidat doit également prendre en compte son interlocuteur. Jean-Michel Aphatie, c’est un journaliste expérimenté et émérite spécialiste dans les questions politiques. Il est donc pertinent de se demander, quel est le style à adopter et de quelle manière il faut élaborer la mise en place de la parole dans l’émission de Jean-Michel Aphatie, quand on est candidat à l’élection présidentielle.
Tout d’abord il faut bien connaître l’actualité du moment, il est fort probable que le journaliste interroge le candidat sur ce qui s’est passé ou a été déclaré dans les heures précédentes. De plus, Jean-Michel Aphatie prend le parti d’interroger un candidat sur les interventions d’autres candidats et c’est d’ailleurs souvent de cette manière qu’il débute l’interview. Autrement dit, le journaliste attend de son invité qu’il émette un jugement sur une autre personnalité. Cet exercice est hasardeux, il faut exprimer son opinion sans entrer dans le grotesque ou la délation de bas étage et se comporter en homme politique.
Il ne faut  pas chercher à détourner ses questions, ou le faire de manière rusée car il risque de vouloir insister sur les points sensibles, ce qui pourrait mettre en difficulté le candidat. Le style de Jean-Michel Aphatie lui est vraiment propre. Il cherche à poser les bonnes questions, celles qui vont poser le plus de problème à son interviewé car jugées sensibles ou le désorientant. Le public est friand de ces questions « pièges », marque de fabrique de Jean-Michel Aphatie.
Il se rapproche d’une certaine manière à celui de Jean-Jacques Bourdin, son concurrent sur RMC, de par son caractère dérangeant pour l’invité. Les questions de M. Aphatie, tout en restant cohérentes et professionnelles, sont assez espiègles et malicieuses. Prendre l’initiative est également une manière de s’imposer face à Jean-Michel Aphatie, comme le fait François Hollande.
Cette émission engage un principe de sérieux, le candidat sera face à un journaliste dont le but sera d’informer les citoyens au moyen d’un discours hétéro centré. Ainsi le rôle du candidat sera de se comporter en expert et homme politique averti sur les sujets et les questions qui lui seront posés. Dans le respect des codes de l’interview la prise de parole sera majoritairement prenante pour le journaliste et sollicitée pour le candidat, il est tout de même admis et accepté que le candidat décide de relancer le journaliste sur un sujet déjà évoqué s’il le juge nécessaire.
Il est aussi primordial de rappeler que c’est à l’ensemble des auditeurs que le candidat s’adresse.

Ainsi, cette analysée pourra peut être permettre d’établir les bases du contrat de communication de cette émission. «  L’action communicationnelle doit d’abord permettre l’intercompréhension et donc la production des états mentaux attendus chez autrui » selon Claude Chabrol. Le contrat de communication est défini par la situation de communication, elle même prédétermine le discours et la construction du sens. Le contrat de communication donne une dimension normative et cognitive.